«Soulagé! C’est le premier mot qui me vient à l’esprit quand je pense au processus qui a débouché sur la vente de mon entreprise au groupe Burkhalter. Excepté un poste, au magasin, de toute façon condamné à terme, tous les emplois ont été préservés. C’est l’un de mes plus gros motifs de satisfaction. L’autre n’est pas moins gratifiant: depuis que j’ai annoncé la nouvelle au personnel, personne n’a quitté ou même émis le désir de quitter l’entreprise.

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A l’aune de ces constats, je me dis que cette transmission est peut-être ma plus grande fierté, ma plus grande réussite depuis que j’ai repris les rênes de la société, en 1985, des mains de mon père, qui les avait lui-même reprises de celles de son père. Mon grand-père était électricien, spécialiste de la téléphonie. Il a fondé l’entreprise alors qu’il était déjà âgé de 44 ans. En 1985, elle comptait une trentaine d’employés. Puis elle a continué de grandir, jusqu’à offrir plus d’une centaine de places de travail. Aujourd’hui, l’effectif est stabilisé à 90 personnes, dont 16 apprentis, et la société déclare un chiffre d’affaires d’environ 12 millions de francs.

J’avais 26 ans quand je l’ai rejointe, en 1977, après mes études d’ingénieur HES et un stage à Zurich. Huit ans plus tard, mon père a passé la société en SA et j’y suis rentré avec un tiers du capital, le solde étant réparti entre mes deux parents et le reste de la famille. Dès lors, j’ai régulièrement racheté des actions. Je voulais devenir majoritaire, ce qui fut le cas vers 2005. Mon père est décédé en 2010. Puis ce fut malheureusement au tour de ma sœur de nous quitter. Ces brusques événements m’ont incité à penser à ma succession. Malheureusement, personne au sein de ma famille n’était intéressé à me succéder.

J’ai alors proposé à mes cadres de reprendre les commandes de la société. Sans succès. Puis j’ai pensé à la «splitter» en trois ou quatre entités. Une idée rapidement abandonnée. Histoire de chercher conseil, je me suis ensuite approché de ma banque. Après avoir reçu une lettre de mandat de 27 pages, je me suis retrouvé face à des gens froids, sans émotion. Ils font leur job, bien sûr, et Dieu sait s’il y en a puisqu’on dit qu’il y aura près de 100 000 entreprises à remettre en Suisse ces prochaines années. Mais cette approche ne me convenait pas, bien que ces entrevues aient débouché sur des offres, venant notamment de l’étranger. Ce que je ne voulais pas.

J’étais à l’aise pour négocier puisque, courant 2019, je suis devenu seul propriétaire de la société. Une situation qui n’empêchait pas les rumeurs de se répandre. Par deux fois, j’ai dû rassurer mes cadres et remettre l’église au milieu du village, comme on dit. Bref. Après être tombé sur un article très intéressant consacré aux transmissions d’entreprises, j’ai alors alerté la banque qui l’avait publié – la banque aux deux têtes de chevaux croisées, pour ne pas la citer. En parallèle, j’ai envoyé un petit mot à un ancien directeur à la retraite d’une société concurrente, Sedelec, à Lausanne, avec qui j’entretenais des relations amicales à force de travailler en consortiums. Bien m’en prit puisque l’info remonta jusqu’au siège du groupe, à Zurich. L’expert chargé de notre dossier étant d’une efficacité redoutable, les choses se sont alors précipitées. Deux heures de discussion lui ont suffi pour m’envoyer un rapport d’évaluation de 17 pages. Après quoi, covid oblige, tous les échanges se sont faits par courrier électronique.

En mars, le big boss du groupe Burkhalter, 3500 employés, m’a appelé, avant de débarquer à Vevey avec un collaborateur. Pour un seul jour d’analyse de 9 heures à 15 heures. En partant, le CEO m’a dit: «Dans dix jours, vous avez le contrat.» Parole tenue et contrat signé pour une reprise au 1er juillet. Je suis resté directeur jusqu’à la fin septembre. L’entreprise, la 49e du giron Burkhalter, continuera à s’appeler Mérinat. Après vingt ans de réflexion, huit mois ont suffi pour échanger une Swatch contre une Rolex. Incroyable! Une sacrée aventure. Epuisante, certes, mais tellement belle…»