En 2022, près de 200 entreprises espagnoles vont adopter la semaine de travail de quatre jours, soit 32 heures sans réduction de salaire. L’initiative a été lancée par le parti Más País (gauche) avant d’être adoubée par Pedro Sánchez, l’actuel président du gouvernement. Le projet de test grandeur nature sera soutenu à hauteur de 50 millions d’euros par les pouvoirs publics. Il devrait concerner 2000 à 3000 salariés, pendant une durée de trois ans, afin de permettre d’évaluer le potentiel de la mesure en comparaison aux entreprises traditionnelles.

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Les dirigeants de Microsoft au Japon peuvent témoigner d’un bilan très positif lié à une expérience similaire menée il y a deux ans au sein de leur société. Après avoir accordé un week-end de trois jours à leurs employés durant une période test en août 2019, les responsables ont noté une augmentation de la productivité globale de 40%, tandis que la consommation d’électricité et celle de papier imprimé reculaient respectivement de 23% et de 60%. Le concept a depuis fait son chemin au sein de l’archipel asiatique, connu pour sa rigoureuse culture du travail. Ainsi, le gouvernement nippon a recommandé aux entreprises de permettre à leurs employés de ne travailler que quatre jours par semaine dans le cadre de ses directives annuelles en matière de politique économique, présentées en juin dernier.

Des débats en Suisse

Les gouvernements de la Nouvelle-Zélande et de la Finlande ont eux aussi déjà évoqué l’idée, tandis qu’un projet pilote a été mené durant quatre ans en Islande (passage de 40 à 35 heures) sans entraîner ni perte de productivité ni perte de qualité.

La semaine de quatre jours suscite aussi des débats en Suisse. Le concept est notamment intégré à une initiative cantonale lancée ce printemps par la gauche radicale à Genève. Elle fait aussi l’objet d’essais dans des cas isolés, à l’instar de la succursale suisse d’Awin, spécialisée dans le marketing internet. L’adoption de la mesure il y a quelques mois a dû être accompagnée de plusieurs changements. «Nous avons adapté certains processus, réduit les temps morts et intégré de nouveaux outils pour améliorer l’efficacité de notre fonctionnement», a expliqué Florian Wallner, dirigeant du bureau suisse, dans une interview à la SRF.

«Nous avons adapté certains processus, réduit les temps morts et intégré de nouveaux outils pour améliorer l’efficacité.»

Florian Wallner, directeur, Awin Suisse

«En Suisse, il existe encore une forte prégnance d’une logique tayloriste, qui exige que tout le monde se trouve sur site à heures fixes, note Xavier Camby, cofondateur du cabinet Essentiel Management Conseil à Bulle (FR) et auteur de 48 clés pour un management durable. Mais on remarque que de plus en plus d’entreprises déconnectent productivité et temps passé au travail, en autorisant un passage à 80%, y compris dans des secteurs traditionnels comme le bâtiment. Une chose encore tout à fait impensable chez nos voisins allemands ou français.»

Un mouvement qui n’est pas près de s’arrêter et qui fait ses preuves, selon l’expert. Il cite l’exemple de cette entreprise valaisanne spécialisée dans les matériaux de construction, qui affichait un carnet de commandes plein à un an tout en cumulant des retards de livraison. «Le directeur de cette société de 200 employés m’a expliqué que plutôt que d’imposer des heures supplémentaires, il a invité l’ensemble de ses collaborateurs à une journée en montagne. En célébrant la positivité au lieu de courir après les clients, le dirigeant a entraîné un changement de perception auprès de son équipe, qui a rattrapé son retard en quelques semaines en s’investissant plus sur une base volontaire.»


Les conseils de Xavier Camby

Montrer l’exemple. «La transformation d’une organisation ne peut pas fonctionner sans que le changement soit mis en œuvre par sa gouvernance, avant d’être adopté par mimétisme par les collaborateurs. Or trop de managers donnent l’exemple d’être débordés.»

Répondre aux sentiments d’inégalité. «On a vu que le télétravail a bénéficié à certains, alors que d’autres employés sont obligés de se rendre sur leur lieu de travail. Il est donc essentiel de mener un diagnostic précis. Si une mesure n’est pas généralisable à toutes les parties, il faut identifier comment la compenser.»

Etre prêt à réduire le travail inutile. «Plusieurs études indiquent que jusqu’à 25% du temps de travail d’un cadre consiste en des tâches superflues, et 10 à 15% pour les collaborateurs. Il faut donc être prêt à éliminer certaines séances ou outils de contrôle.»

Supprimer la délégation ascendante. «On remarque encore trop souvent que des gens prennent des décisions simplement pour justifier leur propre position. J’ai vu l’exemple dans une grande entreprise d’une équipe de direction qui s’était saisie du concept de rénovation de la cafétéria. Supprimer ce contrôle est la clé pour créer une dynamique de transformation positive.»