«J’ai toujours aimé les voitures et le dessin. A 12 ans, en consultant un livre qui montrait des modèles de voitures en argile, j’ai découvert qu’il existait un métier qui réunissait mes deux passions. Ce fut un déclic. J’ai donc ensuite quitté Berne, la ville dont je suis originaire, pour suivre des études en design du transport à la haute école de Pforzheim, en Allemagne. L’école, fondée par Porsche et Mercedes, forme les futurs dessinateurs automobiles, une formation qui n’existait à l’époque qu’aux Etats-Unis.
Le dessin automobile se répartit en plusieurs catégories: le design intérieur, l’aspect couleurs et matériaux et le design extérieur, ma spécialité. Mon objectif est de créer des extérieurs esthétiques mais aussi adaptés à la réalité technique et compatibles avec les dernières technologies. Le design doit par exemple garantir une carrosserie aérodynamique, prendre en compte la place qu’occupe le moteur, la taille des vitrages ou encore les espaces nécessaires au refroidissement. En ce qui concerne le délai, il faut compter quatre ans pour tout le processus, de la création du design à la mise en circulation du véhicule.
Pendant mes études, j’ai effectué des stages chez différents constructeurs comme Porsche et Mercedes. J’ai eu la chance de remporter des prix qui m’ont notamment permis de décrocher un stage chez Peugeot. Aujourd’hui, j’ai 32 ans et je travaille comme «senior exterior designer» chez Renault à Paris depuis sept ans. Nous sommes une équipe d’environ 50 designers. Cette grande structure me permet de contribuer à créer des voitures du quotidien mais aussi des «concept cars», soit des modèles expérimentaux créés uniquement pour les salons automobiles. Des citadines au SUV, en passant par les véhicules utilitaires, j’aime travailler différents types de voitures. Cette diversité de projets, par leurs contraintes spécifiques, permet d’explorer de nombreuses facettes du design automobile.
J’ai travaillé pour la dernière version de la Renault Espace et le modèle Austral. J’ai aussi designé un concept baptisé Morphoz. Cette voiture électrique affiche des lignes sportives et a surtout la particularité de pouvoir s’étirer en longueur (jusqu’à 25 cm de plus), afin de gagner en place et accueillir des batteries supplémentaires pour les longs voyages. Elle devait être présentée pour la première fois au salon de Genève en 2020, mais la pandémie a malheureusement entraîné l’annulation de l’événement.
J’ai réalisé mon premier projet de voiture en série lors d’une collaboration particulièrement enrichissante avec l’entreprise suisse de trottinettes électriques Micro. J’ai dessiné pour eux le design de leur voiture électrique citadine, la Microlino. Le projet a débuté en 2014 par une collaboration entre Designwerk – une entreprise basée à Winterthour pour qui je travaillais à l’époque –, la société Micro et l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW). L’objectif était clair: concevoir une petite voiture rétro et chic de 2,51 mètres de long, inspirée de l’Isetta de BMW, populaire dans les années 1950. La Microlino, sorte de scooter à cabine, renoue ainsi avec la modernité tout en gardant évidemment l’iconique ouverture à l’avant. Les premiers modèles sont en construction et devraient arriver sur le marché cet été 2022. Je me réjouis de voir sur la route la voiture que j’ai dessinée!
Je trouve mon inspiration autour de moi: dans la nature, l’architecture, mais aussi à travers les nouvelles technologies. Les derniers téléphones portables sont notamment particulièrement inspirants dans leur façon de combiner, sans accroc, plusieurs matières comme le métal et le caoutchouc.
Aujourd’hui, la mobilité automobile se réinvente, notamment avec l’électrique. Les nouveaux modèles changent les proportions: les carrosseries sont plus hautes, la batterie prend plus de place sous le plancher, il faut donc compenser par des roues plus hautes. L’habitacle est quant à lui plus grand grâce à la place libérée par le retrait du moteur thermique. Ces différences stimulent la créativité puisqu’il faut réinventer les designs.»