«Je suis née en 1981 à Genève, de double nationalité suisse et française. J’ai toujours concouru pour la Suisse lorsque j’étais joueuse de tennis. Malheureusement, j’ai dû arrêter ma carrière à l’âge de 19 ans à cause d’une blessure chronique à l’épaule, juste après ma participation à la Fed Cup (équivalent féminin de la Coupe Davis, ndlr).
Cette période n’a pas été évidente. Mon tempérament me pousse à être constamment en activité. Pour passer le cap, je me suis consacrée à l’obtention de ma maturité. Heureusement, à côté du tennis, mes parents m’ont toujours poussée à poursuivre mes études par correspondance. Cela demandait une grande discipline, mais je ne le regrette pas. Après m’être inscrite en médecine et avoir changé d’orientation, j’ai pu me retrouver sur les bancs universitaires à l’âge requis en informatique et en relations internationales.
Dans le cadre de mes études en informatique, je me suis rapidement familiarisée avec l’animation 3D. J’ai même réalisé une thèse dans le domaine de la capture de mouvements à des fins médicales, ce qui était un joli clin d’œil à mon passé de sportive. C’est à cette époque que j’ai rencontré mon compagnon, Sylvain Chagué, qui est aujourd’hui l’un de mes associés au sein de Dreamscape. Ensemble, nous avons participé à la création à Genève de la fondation Artanim, où nous avons développé la nouvelle technologie de réalité virtuelle sur laquelle se fondent nos activités aujourd’hui.
Trouver nos premiers investisseurs a été particulièrement difficile. A force de persévérance, en présentant notre technologie au festival du film de Sundance, nous avons pu convaincre un groupe de producteurs américains. Dans le domaine du divertissement, aux Etats-Unis, avec un bon projet, il est possible de trouver des fonds. Même en étant une petite structure encore inconnue. Nous avons fondé notre entreprise en 2017. Elle est aujourd’hui dirigée depuis Genève et Los Angeles.
Pour résumer, nous proposons différentes aventures combinant une narration immersive provenant de grands studios hollywoodiens, la capture de mouvement et les technologies de réalité virtuelle. Concrètement, les visiteurs doivent porter des lunettes, ainsi que des capteurs qu’ils installent sur leurs pieds et leurs mains. Pour l’anecdote, l’histoire de notre animation Alien Zoo, qui transporte le visiteur dans un parc en orbite peuplé de créatures provenant de toute la galaxie, a initialement été écrite par Steven Spielberg.
Nous comptons désormais six centres dans le monde, chacun équipé de plusieurs salles: quatre aux Etats-Unis, un à Dubaï et, depuis le mois de juillet, un autre à Genève. Notre équipe suisse dénombre 18 collaborateurs, 26 si l’on ajoute les chercheurs d’Artanim. Il s’agit essentiellement des ingénieurs et des artistes 3D qui produisent la technologie. Constituée de 60 employés, l’équipe américaine s’occupe des opérations et de la création des expériences.
Les technologies de capture de mouvement et de réalité virtuelle peuvent être utilisées dans différents secteurs: l’animation de personnages virtuels pour des films ou des jeux vidéo, la recherche, la santé, la culture ou l’éducation. Beaucoup de choses que l’on développe dans un domaine peuvent par la suite s’appliquer à un autre, c’est très stimulant intellectuellement.Nous avons toujours eu la volonté de nous diversifier, mais aussi de démocratiser ce type d’outils, par exemple en les rendant accessibles aux professeurs. Raison pour laquelle nous avons créé un partenariat avec l’Arizona State University dans le cadre d’un cours de biologie.
Je trouve qu’il existe plusieurs similitudes entre le sport et le recherche. Ce sont deux domaines très compétitifs, où l’on doit être constamment en mouvement. Avant, j’essayais de gagner un maximum de tournois, aujourd’hui, notre but est de créer les meilleurs algorithmes possible. C’est pour cela que je m’occupe plus particulièrement d’innovation.»