Rémi Larrousse mène une double vie. Le Français établi en Suisse depuis 2018 se produit sur scène depuis une quinzaine d’années dans des spectacles de mentalisme, une passion qui le dévore depuis l’âge de 12 ans. Ce natif des Pyrénées-Atlantiques, diplômé de Sciences Po Paris, a du reste été honoré en 2014 du Mandrake d’or, sorte d’Oscar de la magie qui récompense les meilleurs illusionnistes tels David Copperfield et Arturo Brachetti. Mais la majeure partie de sa vie professionnelle se déroule dans les entreprises, qui font appel à ses talents de mentaliste pour animer des conférences, ateliers et formations. Mais en quoi un mentaliste pourrait-il éclairer les dirigeants de grands groupes et de PME?
«Nous vivons une période où les frontières ont été repoussées dans la plupart des domaines et où il reste finalement peu de place pour les mystères. Le cerveau humain constitue pourtant une des dernières grandes aventures scientifiques, tant son fonctionnement et ses possibilités nous restent inconnus. Ce qui me fascine dans le mentalisme, c’est qu’il agit comme une invitation à remettre en cause nos certitudes», explique Rémi Larrousse. De Cartier à LVMH, en passant par Airbus, SAP, Johnson & Johnson en France ou la CVCI, Vitra et V-Zug en Suisse, toutes ces organisations demandent à Rémi Larrousse de les bousculer dans leur mode de pensée.
«Les pièges du cerveau»
«Les entreprises m’engagent notamment pour des animations d’équipes afin de travailler sur des projets et des problématiques très précis, par exemple dans la R&D ou le positionnement de leur marque. Elles sont confrontées aujourd’hui à des défis énormes, comme la transition énergétique et la digitalisation de la société, tout en affrontant crise après crise, le covid et les conséquences de la guerre en Ukraine. Avec mes outils de mentaliste, je cherche à stimuler la capacité de chacun à envisager différemment un problème. A surmonter les blocages mentaux qui ne permettent pas de faire émerger la créativité, l’innovation ou de prendre les bonnes décisions.»
Pour déjouer «les pièges du cerveau», comme il les appelle, le mentaliste illustre ses propos en formation d’entreprise au travers de tours qu’il a joués sur différentes scènes. Exemple: le piège du cadrage serré. «Si on demande à un public de 900 personnes de visualiser un dessin simple, je démontre que 90% des participants ont pensé à une fleur, une forme géométrique, une maison, un animal, un visage, un arbre, un soleil, un cœur, etc. Notre cerveau est obligé de simplifier et va réduire automatiquement le nombre d’options.» Un cadre serré qui n’autorise pas à se poser les bonnes questions dans le monde professionnel, où la prise de décision se réduit souvent à un choix binaire, constate-t-il.
Et Rémi Larrousse de citer quelques biais cognitifs que nous avons tous et avec lesquels l’illusionniste joue avec son public lorsqu’il est sur scène: le piège de l’ancrage, le cerveau ayant beaucoup de mal à s’affranchir d’une première décision qui influence alors toutes celles qui suivent; le piège des émotions immédiates (lors d’une prise de décision, tendance à se concentrer plus sur les risques et les dangers que sur les avantages); le piège de la cause unique (il n’y aurait qu’une seule cause à un problème); le piège de l’erreur de narration (voir des points communs entre différents événements qui n’en ont pas); le piège des illusions de la mémoire. «Personne ne peut échapper aux pièges de la pensée. Il faut juste en être conscient pour pouvoir les minimiser», ajoute-t-il.
Innovation et prise de décision
Pour Rémi Larrousse, trois méthodes simples aident à stimuler la créativité: l’inversion, l’analogie et la combinaison. Exemples. Edison a inventé l’ampoule à filament en «inversant» le questionnement. Au lieu de se poser la question «Que puis-je brûler pour éclairer?», il s’est demandé comment éclairer en empêchant quelque chose de brûler. A la fin des années 1990, la marque de vêtements de natation Speedo demande à l’une de ses modélistes, Fiona Fairhurst, de concevoir un maillot pour nager plus vite. Celle-ci s’inspire alors de la peau des requins et, en 2008, 98% des nageurs des Jeux olympiques de Pékin portaient ces combinaisons au tissu innovant. Enfin, Sergey Brin et Larry Page, les inventeurs de Google, ont imaginé une combinaison du système informatique de recherche de publications scientifiques, qui s’appuie sur un classement par pertinence, et la navigation sur internet.
Les thèmes de prédilection de Rémi Larrousse dans ses conférences et formations données en entreprise, l’innovation et la prise de décision, ont également fait l’objet de conférences TEDX (plus de 2 millions de vues). «La clé de la créativité, c’est la capacité à conserver son étonnement. Une émotion que j’adore du reste provoquer dans mes spectacles et qui a été le déclencheur de ma passion pour la magie depuis ma plus tendre enfance. On privilégie souvent la force de l’habitude, qui peut être certes très efficace mais dont on a parfois perdu le sens au fil des ans. L’attention est aussi un autre point essentiel. En tant que mentaliste, je capte l’attention des gens en mettant en scène un mystère. Lorsque je donne des conférences ou des séminaires, certaines sociétés réalisent qu’elles ont trop de priorités. Or j’observe que les leaders qui réussissent sont tous des personnes qui se focalisent sur une ou deux priorités au maximum.»
>> Lire aussi: «Je sais ce que vous pensez! Un mentaliste perce les mystères de votre cerveau!», Rémi Larrousse, Editions Larousse, 2019.
- 1985 Naissance à Bordères, près de Pau, d’un père artisan dans le textile et d’une mère dentiste.
- 2002 Etudes à Sciences Po Paris, suivies, en 2005, d’une année d’études au Boston College, où il découvre pour la première fois un spectacle de mentalisme.
- 2007 Il travaille en tant que consultant chez Act One, Atos et BearingPoint en parallèle à ses shows de mentaliste, qu’il a joués notamment à l’Olympia et à Bobino à Paris.