Il y a quelques années, l'annonce de Swiss Life aurait fait les gros titres: le groupe a récemment rendu public le fait que son chef pour la Suisse, Markus Leibundgut, était atteint d'un cancer. Le groupe a même précisé qu'il s'agissait d'un cancer de l'intestin. Le top manager de longue date du plus grand assureur-vie de Suisse s'arrêtera de travailler jusqu'au premier trimestre 2024 et transmettra la direction du marché le plus important de Swiss Life à Roman Stein, chef des finances pour la Suisse.
«Markus Leibundgut souhaite aborder ouvertement sa maladie. Il veut aussi ainsi créer des conditions claires en ce qui concerne la direction de Swiss Life Suisse durant cette période», explique le groupe à ce sujet.
«La transparence est la seule voie à suivre»
Pour les sociétés et leurs dirigeants, la transparence en cas de maladie grave est aujourd'hui la nouvelle norme. Ils n'ont d'ailleurs guère le choix, estime Ursula Bergundthal, conseillère d'entreprise spécialisée dans les questions de personnel. «Si un cadre supérieur ne peut plus travailler du jour au lendemain, les partenaires commerciaux et les collaborateurs doivent être informés, explique l'ancienne responsable du personnel de la banque Valiant. A l'heure des médias sociaux, il n'est plus possible de retenir de telles informations sur la maladie d'un cadre supérieur. La transparence est donc la seule voie à suivre.»
Markus Leibundgut dispose par ailleurs d’un modèle éminent au sein de son propre groupe: en mars 2017, son patron, le CEO de Swiss Life Patrick Frost, avait lui-même rendu public son cancer. Il s'est longuement exprimé sur ce sujet après sa guérison. Début 2022, le patron de la compagnie d'assurance Baloise, Gert de Winter, a également rendu public son cancer de l'œsophage. Depuis août 2022, il est lui aussi rétabli et en activité.
L’exemple de l'ex-parton de Nestlé Peter Brabeck
Une communication ouverte est la meilleure chose à faire, déclarait le patron de Swiss Life Patrick Frost dans une interview accordée à la NZZ , mais cela n'a pas été facile pour lui: «Il fallait un peu de courage pour dire en dehors de mon cercle familial que j’étais gravement malade. Outre la peur de la mort, je pensais aussi à la stigmatisation possible et aux conséquences que cela pourrait avoir sur la suite de mon parcours professionnel.»
Il s'est senti encouragé par l'ancien président de Nestlé, Peter Brabeck. Ce dernier était apparu en 2014 à l'assemblée générale du groupe avec les yeux très rouges et une perruque, ce qui avait immédiatement déclenché des spéculations. Dans un premier temps, Nestlé a seulement parlé d'une «maladie curable», puis Peter Brabeck lui-même a évoqué son combat réussi contre le cancer et la manière dont il l'a géré. «Le fait que Peter Brabeck en ait parlé m'a beaucoup aidé», soulignait Patrick Frost.
Le patron de la Baloise, Gert De Winter, a également pu s'appuyer sur un antécédent. «J'étais déjà à la Baloise lorsque Patrick est tombé malade, et j'ai trouvé très courageuse la manière dont il a géré la situation, a-t-il déclaré dans une interview à la Handelszeitung. Il m'a également contacté très rapidement après que j'ai communiqué ma maladie. Il m'a proposé d'en parler.»
Selon Swiss Life, la manière dont Patrick Frost a abordé ouvertement son cancer ne constitue pas un modèle ou un scénario à suivre par d’autres cadres qui pourraient se retrouver dans une telle situation. «La manière dont une personne gère une maladie est une décision très personnelle», indique une porte-parole.
Selon Petra Schmid, psychologue du travail à l'EPFZ, cette nouvelle ouverture d'esprit face à la maladie correspond toutefois à la conception moderne d'un cadre. Ceux-ci sont davantage des coachs que des patrons omniscients et sont aujourd'hui souvent formés à l'auto-compassion. Il s'agit également d'accepter ses propres défauts comme étant humains et faisant «partie intégrante de la vie» et avoir des attentes réalistes envers soi-même.
De plus, le traitement du cancer a fait d'énormes progrès ces dernières années: s'ils sont détectés à temps, de nombreux cancers peuvent aujourd'hui être traités et ne représentent plus une condamnation à mort.
Continuer à travailler ou pas?
Dans d'autres pays comme les États-Unis et l'Allemagne, une approche plus ouverte de la maladie des top managers a fait son apparition. Il existe toutefois des différences en ce qui concerne l'engagement au travail: Patrick Frost et Markus Leibundgut de Swisslife ont décidé de se concentrer entièrement sur leur guérison. Lorsque Jamie Dimon, patron de la banque américaine JP Morgan, a rendu public son cancer du larynx en 2014, il a certes réduit son temps de travail, mais a indiqué qu'il continuerait à participer activement aux affaires courantes. De même, le patron de la banque publique allemande KfW, Ulrich Schröder, a conservé son poste de CEO en 2015 malgré son cancer et a continué à travailler.
Une solution qui convainc moins les experts. En effet, un traitement contre le cancer comme la chimiothérapie n'est pas seulement exigeant sur le plan physique. Il peut également s'accompagner de troubles cognitifs. «Outre la transparence, il est important pour les entreprises de pouvoir présenter des solutions intérimaires convaincantes», conseille Ursula Bergundthal.
Cet article est une adaptation d'une publication parue dans la Handelszeitung.