Daniel Borel est Monsieur Logitech. Il a cofondé la société vaudoise spécialisée dans les périphériques informatiques et l’a dirigée durant des années. Aujourd’hui, avec 1,5% des actions, il est son plus grand actionnaire individuel. Mais le pionnier de la technologie a vu la valeur de sa participation chuter drastiquement au cours des deux dernières années: de 300 millions à 150 millions de francs.

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Lors de l'assemblée générale de Logitech du 13 septembre dernier, il a exigé le départ de la présidente du conseil d'administration Wendy Becker, et ce au plus tard au printemps 2024. Quelques minutes avant son vote, elle avait été confirmée dans ses fonctions avec 96,5% des voix. Si Daniel Borel avait présenté sa demande aux investisseurs avant le vote, il est peu probable que Wendy Becker ait obtenu un résultat aussi flatteur.

Quoi qu’il en soit, les résultats de l'entreprise ne plaident pas en sa faveur: le chiffre d'affaires de l'entreprise recule, la marge d'exploitation, qui était à deux chiffres, a chuté à 5% et le cours de l'action stagne depuis deux ans. S'ajoutent à cela des problèmes de personnel de toutes sortes. Et un comportement de la présidente qui semble peu entreprenant.

Nombreux problèmes de personnel 

«Logitech s'est beaucoup occupée d'elle-même ces deux dernières années et demie», déclarait Wendy Becker dans une interview accordée à Bilanz en novembre 2021. C'était aussi une autocritique. Elle est présidente depuis septembre 2019, en plus d'être présidente du comité de nomination et du comité de conformité. C'est donc la personne la plus puissante de l'entreprise, qui s'occupe manifestement d'elle-même depuis bien trop longtemps.

Au milieu de l'année dernière, le conseil d'administration a finalement mûri le projet de remplacer de manière élégante l'optimiste permanent Bracken Darrell. Gâté par le succès durant des années, le CEO de longue date était en fin de cycle, il ne donnait plus d'impulsions. Il a eu vent du projet au printemps 2023 et s'est mis à la recherche d'une sortie honorable. Cet été, l'Américain a fait ses adieux abrupts et a pris la tête du groupe de mode VF Corporation. Wendy Becker a été dupée.

Avec lui, Scott Wharton a également quitté le navire pour prendre la tête du producteur de panneaux solaires Tandem en Californie. Chez Logitech, il était responsable de l'importante activité B2B. Cet été, c'est Prakash Arukundrum qui a repris ce secteur, et ce par intérim, car il avait déjà été promu Chief Operation Officer au début de l'année. Un homme de haut niveau, certes, mais qui a été chargé de deux emplois stratégiques à plein temps. Auparavant, le chef des finances avait été remplacé et mis de côté jusqu'à ce qu'un nouveau prenne le relais.

De la visioconférence à la cybersécurité

Ces derniers mois, les choses ont dérapé au sein du groupe vaudois. Jusqu'à présent, la présidente Becker n'a guère contribué à apaiser la situation. La démission de Bracken Darrell l'a manifestement prise de court, bien que des dossiers de candidats potentiels avaient déjà été préalablement examinés. Le fait qu'elle ait dû annoncer un avertissement sur les bénéfices en janvier 2023, ce qui a été un poison pour le cours de l'action, n'a pas non plus suscité l'enthousiasme. Seulement voilà, si l’on était intervenu plus tôt dans les orientations de l'entreprise, cette étape dévoreuse de valeur aurait pu être évitée.

Il s’avère que Wendy Becker agit avec hésitation et peine à prendre des décisions. Pourtant, la situation était claire depuis au moins un an et demi: Bracken Darrell n'avait plus guère envie de gérer la crise. Sous sa direction, Logitech avait profité du boom déclenché par la pandémie avec le télétravail et ses longues soirées entre quatre murs. Manifestement, le CEO et la présidente rêvaient d'une croissance éternelle dans le domaine des souris, de la visioconférence, des jeux et des casques. Ils n'ont pas réalisé qu'à l'automne 2021, le boom des ventes se terminerait.

Le retour de manivelle a touché l'ensemble du secteur du divertissement, et pas seulement Logitech, comme le confirme Alicia Reese, analyste du secteur chez Wedbush Securities. En outre, les priorités se sont déplacées. Les dépenses informatiques des entreprises s’orientent de plus en plus de la vidéoconférence vers la cybersécurité, domaine dans lequel Logitech n'est pas actif. Pour l'entreprise, la belle époque semble révolue.

En parallèle, alors que les nuages s'amoncellent, les effectifs et les coûts d'exploitation de Logitech continuent d'augmenter. Le résultat s'est fait sentir ce printemps: le chiffre d'affaires a chuté de 16% et le bénéfice par action de 36%. Certes, on a récemment annoncé la suppression de 300 emplois, mais avec près de 8000 postes de travail, la base de coûts est probablement encore trop élevée.

Passivité et déni de réalité 

Daniel Borel est convaincu que l'on aurait pu éviter cette descente aux enfers si la présidente de Logitech avait mis le pied à l'étrier plus tôt. Le grand actionnaire ne peut pas être mis en cause. Il aurait averti Wendy Becker du ralentissement des affaires à venir lors de plusieurs entretiens, la dernière fois en novembre 2022. Avec le recul, son jugement est peu flatteur: «La présidente du conseil d'administration a fait preuve de déni de réalité et a été beaucoup trop passive.»

Elle en fait maintenant les frais: le successeur intérimaire de l'ancien CEO Bracken Darrell est encore en fonction et aucune solution n'est en vue. Il ne faut pas s'attendre à de grands bonds dans cet interrègne, bien que Logitech soit assis sur 800 millions de liquidités et que des entreprises high-tech avec du potentiel soient actuellement bon marché.

Logitech ne veut pas s'exprimer sur des questions concrètes, mais se réjouit du feedback de Daniel Borel. Cela ne devrait pas être le cas de la présidente Becker.

Cet article est une adaptation d'une publication parue dans la Handelszeitung.

Stefan Barmettler HZ
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