Le secteur hospitalier suisse est en ébullition: des lits sont fermés, les chefs de clinique cherchent désespérément des médecins, des infirmières en soins intensifs ou des physiothérapeutes, les gouvernements cantonaux doivent aider les établissements en difficulté à se remettre sur pied à coups de centaines de millions d’impôts. A cela s’ajoutent des tarifs trop bas, une pression sur les coûts parfois absurde et une paperasserie envahissante avec toujours plus de formulaires et de formalités que les gestionnaires des caisses maladie et les politiciens imposent aux médecins; voilà qui donne du fil à retordre aux hôpitaux.
Mais en ce qui concerne la qualité, il n’y a aucune trace de crise, les hôpitaux suisses continuent de bien, voire de très bien se porter. C’est ce que montre le classement des «Meilleures cliniques spécialisées de Suisse 2024», publié cette année pour la deuxième fois par la Handelszeitung et PME, de nouveau en collaboration avec l’entreprise d’études de marché allemande Statista. «La qualité des hôpitaux suisses reste bonne à très bonne dans la plupart des cas», explique l’analyste Judith Reincke-Schmidt, de Statista. Mieux encore: l’évaluation des cliniques distinguées se serait même légèrement améliorée par rapport à l’année précédente.
Vous trouverez ici la méthodologie de calcul du classement des hôpitaux.
Cardiologie et chirurgie cardiaque
Le service de cardiologie de l’Hôpital universitaire de Zurich (USZ) occupe cette année encore la première place. Son score de 93,42% est même un peu plus élevé que l’année dernière et compte parmi les meilleurs obtenus dans le classement.
La médecine cardiaque de l’USZ a un passé glorieux. En 1969, Åke Senning a réalisé la première transplantation cardiaque de Suisse dans ce qui était alors l’Hôpital cantonal de Zurich. En 1977, Andreas Grüntzig a révolutionné la médecine cardiaque à Zurich en réussissant la première dilatation par ballonnet. L’invention, qui a d’abord fait sourire les collègues du médecin zurichois, est désormais devenue la norme et marque le début de méthodes cardiaques moins invasives.
Aujourd’hui, son successeur renoue avec ce passé glorieux. Frank Ruschitzka, chef du service de cardiologie de l’Hôpital universitaire de Zurich, est à la tête de 105 médecins, dont 16 médecins-chefs et 35 chefs de clinique. Chaque année, Felix Tanner, directeur adjoint de la clinique et médecin-chef, est responsable de 20 000 échographies cardiaques, soit environ 60 examens par jour. «Malgré les chiffres élevés, la qualité est au centre de nos préoccupations», assure le spécialiste.
Disciplines réunies
Pour sa part, la clinique Hirslanden a choisi de regrouper cardiologie et chirurgie cardiaque. «Nous sommes d’avis qu’il ne faut plus séparer les deux disciplines aujourd’hui», explique le chirurgien cardiaque Jürg Grünenfelder. Avec un score de 91,23%, l’établissement parvient à se hisser à la première place en chirurgie cardiaque. En cardiologie, il obtient une excellente deuxième place (score de 91,37%).
L'objectif est de trouver la meilleure option thérapeutique pour les patients et le meilleur moyen d'y parvenir est de tout faire sous un même toit. «La plupart des interventions des cardiologues constituent aujourd'hui une véritable alternative au traitement chirurgical des valvules cardiaques, ajoute Jürg Grünenfelder. Grâce à cette approche d'équipe, nous avons le taux de mortalité le plus bas de toutes les cliniques cardiaques.»
L’empreinte de Hirslanden sur le paysage hospitalier suisse est particulièrement visible en cardiologie. Dans ce domaine, six des 25 cliniques les mieux classées sont des cliniques Hirslanden, trois font partie du top 5. Outre la clinique Hirslanden, la Klinik Im Park à Zurich (3e place) et Beau-Site à Berne (5e place) parviennent à se hisser en haut du classement, bien que les scores soient ici un peu plus bas avec 85,73 et 85,03%. La situation est encore plus marquée en chirurgie cardiaque, où trois des cinq cliniques les mieux classées appartiennent au groupe Hirslanden. Parmi les cinq cliniques universitaires suisses, seules la chirurgie cardiaque de l’Hôpital de l’Ile et celle des HUG se classent dans le top 5.
Obstétrique
Un accouchement ne peut pas être planifié. En obstétrique, cela signifie que l’on doit maintenir en permanence des prestations de réserve comme les salles d’accouchement, la salle d’opération, les appareils médico-techniques et le personnel.
Un exercice d’équilibriste que les grands hôpitaux universitaires semblent mieux maîtriser que les petites maternités. Avec un score de 91,63%, l’obstétrique de l’Hôpital universitaire de Zurich se hisse à la première place, nettement devant l’Hôpital universitaire de Bâle (87,85%) et les HUG (86,90%). Trois des cinq cliniques universitaires suisses occupent ainsi les trois premières places. Avec un score de 84,26%, l’Hôpital de l’Ile de Berne se classe sixième, alors que le CHUV se hisse de justesse dans le top 20 des maternités suisses avec un score de 76,73%. Selon Statista, le bon résultat des hôpitaux universitaires s’explique par le fait qu’ils ont obtenu de très bonnes évaluations de la part des experts médicaux dans le cadre de l’enquête en ligne (lire méthodologie).
Les hôpitaux cantonaux s’en sortent bien, mais pas aussi bien que les cliniques universitaires. Ils se trouvent dans la deuxième partie du top 20, leur score de réputation étant légèrement inférieur. En revanche, lors de l’évaluation des chiffres clés médicaux, en particulier ceux spécifiques à l’accouchement, les cliniques universitaires et les hôpitaux cantonaux affichent tous de très bons résultats.
Pression sur les coûts
La pression tarifaire est forte dans le domaine de l’obstétrique. Un accouchement normal sans complications est remboursé par un forfait de 5480 francs, une césarienne sans complications s’élève à 8310 francs. «Dans la plupart des cas, les tarifs ne couvrent pas les coûts», explique Beatrice Mosimann, médecin-chef en obstétrique et médecine prénatale à la clinique gynécologique de l’Hôpital universitaire de Bâle. Elle parle d’une «pression constante sur les coûts». Elle craint que la pression des économies n’affecte l’attractivité des emplois, ce qui pourrait pousser les bons collaborateurs à chercher des alternatives.
En parallèle, de nouveaux investissements sont constamment nécessaires pour rester à jour. Un facteur important pour une obstétrique efficace est la proximité avec un service de néonatologie, afin que les prématurés puissent rapidement bénéficier d’une bonne prise en charge médicale, mais aussi que la mère et l’enfant se trouvent le plus près possible en cas de complications. C’est pourquoi, à titre d’exemple, l’Hôpital universitaire de Bâle a investi il y a un an et demi, en collaboration avec l’Hôpital pédiatrique universitaire des deux Bâle, dans des trajets plus courts. Auparavant, environ deux minutes de marche séparaient les deux secteurs. Aujourd’hui, il ne reste plus que 10 mètres. Coût de l’opération: 2,25 millions de francs
Neurologie et neurochirurgie
L’Hôpital universitaire de Bâle occupe la première place du classement en neurologie, grâce notamment à un nombre élevé de recommandations d’experts médicaux. Avec un score de 92,57%, il se distingue de 3 points de pourcentage du deuxième du classement, les HUG.
Le service de neurologie des Hôpitaux universitaires de Genève gère l’un des plus grands centres d’attaque cérébrale de Suisse. «Lors d’une attaque cérébrale, chaque seconde compte», relève Andreas Kleinschmidt, médecin-chef du service de neurologie des HUG. Chaque année, environ 16 000 personnes en sont victimes en Suisse. C’est la troisième cause de décès chez les adultes.
Le traitement de l’épilepsie fait également partie des points forts des HUG. Plus précisément, l’évaluation préchirurgicale des patients épileptiques qui ne peuvent être suffisamment aidés par des médicaments et doivent être opérés. «Nous recevons même des patients de Suisse alémanique, explique Andreas Kleinschmidt. Ce ne sont que quelques cas par année, mais les connaissances que nous en tirons sont très intéressantes.»
Le neurologue genevois pense que les bonnes conditions de travail et l’accent mis sur l’activité de recherche expliquent en partie les bons résultats de sa clinique. Toutefois, il se sent parfois comme un cavalier essayant de rester en selle lors d’un rodéo, tant les conditions financières sont difficiles. «La pression économique est extrêmement forte, les tarifs ne couvrent de loin pas les coûts, surtout pour les maladies neurologiques complexes», constate-t-il.
L’Hôpital de l’Ile et l’Hôpital universitaire de Zurich obtiennent également de bons résultats avec un score respectif de 87,70 et 86,66%. Ils se placent à la 4e et à la 5e place. Le CHUV se trouve en 7e position avec un score de 83,40%. Outre les hôpitaux universitaires, certains hôpitaux cantonaux et régionaux ont également atteint le top 20 en neurologie, mais les scores y sont un peu plus bas, avec 80% ou moins.
Autofinancement pour Hirslanden
En ce qui concerne la neurochirurgie, l’Hôpital universitaire de Zurich arrive en tête. Il dispose d’une très bonne réputation auprès des experts médicaux. Avec un score total de 90,58%, il devance de 5 points de pourcentage la clinique Hirslanden, qui occupe la deuxième place.
Alors que l’Hôpital universitaire de Zurich reçoit pour la recherche des fonds de la part de fondations, de l’université, du canton et de la Confédération, la situation est différente pour la clinique Hirslanden. «Comme nous sommes un prestataire de soins privé, nous devons nous autofinancer. Nous ne recevons aucune subvention des pouvoirs publics», souligne Dominique Kuhlen, Chief Clinical Officer du groupe Hirslanden. La seule exception est la formation initiale et continue des médecins assistants, pour laquelle Hirslanden reçoit une petite contribution des cantons.
Réadaptation
L’air des montagnes helvétiques fait la différence. Comme l’année dernière, les deux meilleures cliniques dans le domaine de la rééducation se trouvent dans les Alpes. Il s’agit de la clinique bernoise Montana à Crans-Montana (VS) et de la clinique de haute montagne de Davos Wolfgang (GR). Elles obtiennent respectivement un score de 91,75 et 90,89%. Derrière les deux leaders se trouve la clinique traditionnelle Schloss Mammern (TG), située au bord du lac de Constance, avec un score de 90,29%.
La clinique Montana est en pleine mutation. La direction a récemment été presque entièrement renouvelée. Au printemps, Philippe Eckert, ancien patron du CHUV, a pris le relais en tant que directeur et, un peu plus tôt, André Zacharia en tant que médecin-chef. Ce dernier a quitté les HUG en 2021 pour rejoindre les hauteurs valaisannes. L’année dernière, l’établissement a augmenté le nombre de lits de 90 à 100. Le taux d’occupation est resté stable à 90%, ce qui est supérieur à la moyenne.
Il en va de même pour la clinique de haute montagne. Avec 190 lits, la plus grande clinique de rééducation des Grisons se réinvente. Elle se concentre fortement sur les enfants et les adolescents, pour lesquels 30 lits sont réservés. Les maladies respiratoires et les allergies sont également des priorités à Davos.
Une réputation mondiale
La Suisse est connue au niveau international pour sa rééducation de haut niveau, et ce depuis des décennies. Même Suisse Tourisme en fait la promotion dans le monde entier. Autrefois, les patients d’Allemagne ou d’Angleterre se rendaient à la montagne, notamment à Davos, au Bürgenstock ou à Crans-Montana, pour se remettre de maladies pulmonaires.
Plus récemment, d’anciennes stars comme Ozzy Osbourne se sont rendues dans des cliniques spécialisées de luxe sur les bords du lac Léman pour y traiter des addictions ou des burn-out. Mais l’objectif principal de la rééducation consiste à réintégrer les personnes dans l’univers du travail et dans le monde social après une blessure, une maladie ou un stress psychique.
Psychiatrie
Avec des scores supérieurs à 90%, on retrouve, comme en 2022, à la première place les services psychiatriques du CHUV et en deuxième position le Centre neuchâtelois de psychiatrie (CNP). Pourtant, en ce qui concerne le CNP, les conditions sont loin d’être simples. En tant qu’établissement non universitaire, le centre neuchâtelois est particulièrement touché par le manque de personnel qualifié et dépend en grande partie de l’étranger dans ce domaine.
Le CNP prend en charge environ 8000 patients, ce qui correspond à 4% de la population neuchâteloise. L’accent est mis sur la «déstigmatisation» des maladies psychiques. Pour ce faire, le CNP aide notamment les médecins généralistes à mieux les reconnaître. De plus, le centre neuchâtelois mise sur des soins de proximité. Les relations sociales sont un élément central dans la réponse thérapeutique aux problèmes psychiques. C’est pourquoi les prestations sont fournies autant que possible dans le cadre de vie des patients, c’est-à-dire à domicile ou en établissement médicosocial. En ce qui concerne le CHUV, l’établissement a renoncé à prendre position.
Un département intégré aux HUG
Parmi les cliniques psychiatriques de Suisse alémanique, ce sont les Cliniques psychiatriques universitaires (UPK) de Bâle qui obtiennent les meilleurs résultats. Elles totalisent un score de 83,88% et passent ainsi de la 5e à la 3e place. Comme à Neuchâtel, on mise à Bâle sur des modèles de traitement qui permettent de traiter les malades psychiques graves à domicile ou dans leur environnement proche, notamment pour éviter qu’ils ne soient toujours hospitalisés.
La plus grande progression parmi les cliniques universitaires est celle des HUG. Ils sont passés de la 15e à la 8e place, leur score s’élevant à 79,62%. Le département de psychiatrie dispose de 259 lits d’hospitalisation et emploie environ 1000 collaborateurs, dont 200 médecins et 600 infirmiers. Les HUG profitent de leur statut de clinique universitaire. Les postes vacants peuvent généralement être pourvus, comme l’indique le médecin-chef Stefan Kaiser. Ce n’est que pour certaines expertises qu’il peut se révéler difficile de trouver le personnel adéquat.
Contrairement aux cliniques de Suisse alémanique, la psychiatrie n’est pas une entité à part entière, mais fait partie des HUG. C’est un choix judicieux, car de plus en plus de patients présentent des comorbidités, c’est-à-dire qu’ils souffrent non seulement d’une maladie psychique ou d’une déficience intellectuelle, mais aussi de maladies somatiques, comme des maladies cardiovasculaires ou infectieuses, ajoute Stefan Kaiser.
Enfin, contrairement à l’année dernière, la Clinique psychiatrique universitaire de Zurich (PUK) fait également partie du top 20 des cliniques psychiatriques. Elle compte 2410 employés et traite 5000 patients par an, ce qui en fait la plus grande clinique psychiatrique de Suisse.
Orthopédie
A Zurich, les deux établissements se trouvent à un jet de pierre l’un de l’autre: la clinique Schulthess et la clinique universitaire Balgrist. L’une arrive en tête des cliniques orthopédiques avec un score de 91,38% et l’autre en deuxième position avec 87,58%.
Derrière ce duo, qui était déjà en tête du classement 2023, se trouvent la clinique Hirslanden de Zurich, la clinique Hirslanden Sainte-Anne de Lucerne, l’hôpital Sonnenhof de Berne et la clinique Merian Iselin d’orthopédie et de chirurgie de Bâle.
La clinique Schulthess est la référence en matière d’orthopédie. Elle a été désignée meilleure clinique orthopédique d’Europe par Statista/Newsweek et occupe la quatrième place du classement mondial. Avec 10 000 opérations et 133 000 contacts avec des patients ambulatoires en 2022, ses domaines de prédilection sont l’orthopédie chirurgicale, la neurochirurgie spinale, la neurologie et la médecine sportive.
La clinique Balgrist suit elle aussi une approche globale. Le travail d’équipe entre l’homme et l’ordinateur en fait partie. La planification des opérations en 3D, la réalité augmentée ou l’IA sont utilisées depuis longtemps. L’établissement se classe 38e au classement mondial d’orthopédie de Statista/Newsweek.
De nombreuses progressions
Dans le classement orthopédique, il est frappant de constater à quel point le groupe Hirslanden est bien représenté: il compte dix cliniques parmi les 35 meilleures places. La clinique Hirslanden de Zurich progresse cette année grâce à son score en matière de recommandations et d’indicateurs médicaux. L’Hôpital cantonal de Lucerne (LUKS) a également amélioré son score. Judith Reincke-Schmidt, experte de Statista, en connaît les raisons: «Cette année, le LUKS a recueilli davantage de recommandations d’experts médicaux et a pu améliorer son score pour les indicateurs médicaux.»
La pondération plus élevée des chiffres clés spécifiques à l’orthopédie, pour lesquels l’établissement a obtenu un très bon résultat, y a contribué. D’où la progression de la 22e à la 10e place.
L’Hôpital cantonal de Saint-Gall s’est également amélioré, tout comme le LUKS, grâce à un nombre plus élevé de recommandations d’experts médicaux. L’hôpital Lindenhof à Berne a également fait un pas en avant: là aussi, un bon score pour les chiffres clés médicaux et une pondération plus élevée de ces derniers ont contribué à cette progression, ce qui lui a permis de passer de la 23e à la 17e place. Sur les plus de 140 cliniques orthopédiques examinées, 35 se sont hissées dans le haut du classement 2024. Elles ont toutes marqué des points en ce qui concerne les avis d’experts, les chiffres clés médicaux et la satisfaction des patients.