Lorsque vous commencez dans un job, hop! Formation. Lorsque vous vieillissez dans un job, hop! Formation. Lorsque votre job se numérise, s’intelligençartificiellise, hop! Formation. Lorsque vous prenez un poste de management, hop! Formation. Tout ça est normal, la formation, c’est crucial (c’est un alexandrin héhé). La formation est par ailleurs un joli fromage et, chez nous, on aime le fromage! Des centaines d’instituts, de certificats, de modules, d’acronymes qui font sérieux et de coachs.

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Il y a eu beaucoup de changements dans ce domaine. D’abord, et comme dans tous les secteurs professionnels, les appellations. Avant il y avait le prof et l’élève. Ensuite on a eu le sachant et l’apprenant, affreuses dénominations objectivement, et induisant toujours une hiérarchie. Ensuite les coachs et les coachés, ça fait plus sportif, et plus «je vais faire sortir le meilleur de toi». Aujourd’hui, on a souvent des «facilitateurs». Oui, parce que manifestement nous sommes en difficulté quand il s’agit d’apprendre. Ou alors on n’a plus personne; ça s’appelle l’«e-learning» et vous recevez un lien. Il vous permet de lancer une vidéo qui vous explique, par exemple, comment repérer une cyberattaque ou comment on définit un harcèlement.

Ces vidéos sont à mon avis un joli fromage aussi. Généralement elles sont composées de dessins insipides mais inclusifs; comme dans les séries Netflix, il doit y avoir des gens de toutes les couleurs, de tous les âges, de toutes les tailles et poids, et de tous les genres, bien sûr. Ou alors il y a des saynètes jouées par des acteurs, mais excessivement mauvais, Top Models, à côté, c’est l’Actors Studio. Je soupçonne d’ailleurs que, parfois, ils demandent juste à des gens de la boîte: «Tu fais quoi aujourd’hui? Rien? Parfait, tu peux te mettre là, près de la machine à café, et toi, là-bas, tu la harcèles, ben oui, tu t’approches et tu fais une remarque relou. Et tu regardes pas la caméra, merci.» Pensez-y la prochaine fois que vous lancez un e-learning, au moins ça vous fera marrer deux secondes.

Dans le contenu des formations aussi, il y a eu une évolution spectaculaire. On est passé d’apprendre le métier, la technique, se perfectionner, devenir plus rapide, plus efficace, fournir le meilleur produit ou service possible, à une immense nébuleuse de développement personnel. Certes, c’est bien d’ajouter le savoir-être au savoir-faire, mais le savoir-être prend désormais toute la place et le savoir-faire s’est transformé en faire-savoir. Je connais plein de gens qui ont fait une formation de «marketing de soi», par exemple. Est-ce un rôle essentiel des entreprises d’enseigner aux employés comment se vendre? Ou d’«apprendre à générer des émotions positives»? A faire des semaines d’atelier de pleine conscience?

Un autre fromage (décidément, quand on dit changer de crémerie pour dire qu’on change de boulot, il y a du vrai), c’est tout ce qui tourne autour de l’inclusivité. Je ne vous fais pas un dessin, vous constatez vous-mêmes qu’il y a le mot «inclusif» 18 fois dans tous les intitulés. J’ai repéré un module sur «la maîtrise du recadrage inclusif», alors en fait, il faut recadrer, mais en prenant de solides précautions oratoires: «Je sais que ce retard s’explique par ta capacité à être multitâche», «Je sais que le plus souvent tu mets beaucoup de cœur à l’ouvrage», «Je sais que l’organisation est encore en chantier, et il faudra…», à la limite, c’est le recadreur qui finit par s’excuser que la boîte soit aussi nulle, haha.

Enfin, réjouissez-vous, la formation plan-plan genre PowerPoint chiant dans une salle sinistre, c’est fini. Certaines entreprises proposent des stages: dans une école militaire/de l’équicoaching, le cheval vous permettra «de travailler les axes d’amélioration», pauvre bête/de devenir un as du management grâce au poker/de faire un stage de survie dans le grand froid/d’effectuer une formation de barista. Et last but not least, la réalité virtuelle débarque, yaay! Enfilons nos lunettes et mettons-nous à la place d’une femme/d’une personne harcelée/d’un manager devant une crise/d’une personne licenciée. Mais dites, on pourrait juste se mettre à la place de quelqu’un qui aime son job, qui l’exerce dans de bonnes conditions, qui y trouve du sens et qui est correctement payé?