Images pour le site web, illustrations pour les communications internes, éléments de conception pour le magazine destiné aux clients: ce que les entreprises commandaient autrefois à l’extérieur, elles le font aujourd'hui en interne à l'aide de l’IA. Cela permet d'économiser des sommes importantes et donne un contrôle direct, ainsi qu'un choix énorme en un temps record.

Mais qu'en est-il du droit d'auteur? Dans quelle mesure les images et les illustrations créées par des applications d'IA comme Midjourney ou Dall-E peuvent-elles être utilisées au sein des entreprises?

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Derrière tout cela se pose la grande question: qui est réellement le créateur de ces œuvres? Le fournisseur du logiciel, le logiciel lui-même ou l'utilisateur qui définit le produit final par ses prompts?

L'affaire du droit d'auteur

Pour Michael Isler, avocat chez Walder Wyss, spécialisé dans le droit d'auteur ainsi que dans les questions liées à l'IA, la réponse est simple: «La règle de base est que la qualité d'auteur est liée à la création intellectuelle d'un être humain.» Dans ce contexte, l'IA est un outil.

Il compare cela à la photographie, où l'homme utilise un appareil photo comme moyen technique, mais l'œuvre reste malgré tout sa création. Il cite aussi l'exemple du peintre Rubens, qui était assisté de plusieurs assistants. Ils peignaient des tableaux sur ses instructions, mais la paternité revenait tout de même à l'artiste.

L'IA assume désormais la tâche de l'assistant, mais contrairement à Rubens, l'apport du «créateur» est aujourd'hui minime: «Hormis la saisie du prompt, on ne fait aujourd'hui pas grand-chose pour la création d'une œuvre, explique Michael Isler. Cela minimise fortement le processus de création, ainsi que le contenu créatif de la part de l'humain. Par conséquent, l'utilisateur de l'IA n'est plus considéré comme un auteur. L'œuvre tombe dans le domaine public.» Autrement dit, elle n'est pas protégée.

Dans le cas du logiciel d'images Midjourney, cela signifie qu'une personne peut utiliser «son» image, mais les autres utilisateurs également. En d’autres termes, celui qui voit dans le pool de création de Midjourney une image qui lui plaît peut l'utiliser à ses propres fins et vice-versa.

La discussion est pour l'instant éthique, pas encore juridique

Ce qui semble simple sur le plan juridique recèle encore beaucoup d'incertitudes. De nombreuses entreprises en font désormais l'expérience. Certaines utilisent des images générées par l'IA et mentionnent dans la source que celle-ci a été utilisée.

Selon Michael Isler, cela ne doit en principe même pas être fait, mais reste recommandé: «Déclarer que quelque chose a été créé avec l'IA n'est pas obligatoire aujourd'hui, mais cela fait partie d'une approche responsable.»

Que se passerait-il si un tribunal venait soudain à rendre obligatoire la déclaration de l'utilisation de l'IA? «Jusqu'à présent, la discussion est plus de nature éthique que juridique, explique l’avocat. Il n'existe pas encore de règles juridiques contraignantes. Mais le nouveau règlement de l'UE sur l'IA prescrit tout de même un filigrane numérique pour les contenus générés par l'IA et oblige à signaler les deep fakes comme tels.»

Essayer et expérimenter

La directrice créative d'une agence le résume en quelques mots: «Pour l'instant, nous sommes dans le Far West à ce sujet. Personne ne peut revendiquer le droit d'auteur pour lui-même, en revanche, n'importe qui peut créer, vendre et commercialiser des visuels pour des entreprises.»

Pour les entreprises, cela signifie qu'elles doivent s'organiser elles-mêmes. C'est ce qu'a fait la Mobilière, par exemple. Elle a introduit son propre Mobi-ChatGPT, dont les ébauches de courriels sont utilisées par le personnel, entre autres, pour la communication interne et externe.

Dans ce cas, ce n'est pas tant la paternité qui était en jeu que la protection des données: la Mobilière travaille avec des données sensibles et ne souhaite pas les transmettre à des entités extérieures, comme Open AI. En ce qui concerne les images, c'est principalement le créateur d'images Bing de Microsoft qui a été utilisé jusqu'à présent pour les présentations internes, mais aucune image générée par l'IA n'a encore été utilisée pour l'extérieur. «Bien sûr, nous sommes aussi en train d'essayer et d'expérimenter», répond la porte-parole Susanne Maurer. 

Collaboration entre l'homme et la machine

On trouve de nombreux exemples dans l'économie où l'IA est ouvertement utilisée. Par exemple, l'entreprise de boissons zurichoise Vivi Kola a utilisé l'IA pour créer une nouvelle boisson, ChatGPT pour la recette et Midjourney pour le design.

Les architectes créent aujourd'hui des maisons planifiées à l'aide de visualisations IA ou puisent des idées dans le pot-pourri de propositions IA. Les chercheurs se font aider dans le développement de leurs brevets par l'univers de l'intelligence artificielle. Et les jeunes créateurs d'entreprise génèrent leurs premières propositions pour leur logo à l'aide de l'IA.

Combiner l'intelligence artificielle et le travail humain

«En y regardant de plus près, tous ces exemples montrent que l'intelligence artificielle est typiquement combinée avec le travail humain», explique Alfred Früh, professeur de droit de la propriété intellectuelle à l'Université de Bâle. 

Vivi Kola a affiné sa proposition, mettant sur le marché une boisson maison. Les architectes n'utilisent l'outil que comme base et pour les idées. Eux aussi affinent le produit final avec leurs plans. Il en va de même pour les inventions brevetées et la création de logos. 

Mais attention: «Malgré ces points communs, tout dépend de l'objet concret: les brevets sont inscrits dans un registre en tant qu'inventions et les logos en tant que marques, explique Alfred Früh. Le premier qui inscrit son logo - qu'il soit créé à la main ou à l'aide de l'IA - obtient le droit. Pour le droit d'auteur, en revanche, c'est la créativité de l'utilisation de l'IA qui est déterminante. Celui qui se contente d'entrer un prompt banal pour générer un texte ou une image n'obtient aucun droit sur le résultat.»

La plupart du temps, la règle est la suivante: les entreprises peuvent utiliser des textes ou des images générés par l'IA sans violer les droits d'autrui. Pour donner le bon exemple, les experts recommandent de déclarer les contenus générés par l'IA comme tels.

Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.

 
Tina Fischer
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