«J’ai grandi à Sydney et mon premier contact avec l’Europe a d’abord été Munich, pour un échange linguistique. C’est ensuite à l’Université Columbia que j’ai appris mon métier de journaliste, puis chez CNN, à New York. Outre-Atlantique, tout va beaucoup plus vite qu’en Suisse, notamment dans les «breaking news». A la fin de mon master, j’ai postulé à plusieurs endroits sans même vérifier s’ils avaient des postes à pourvoir. De toute façon, les bonnes places ne sont jamais publiées.

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Je suis donc arrivée à Zurich chez CNN complètement par hasard, il y a six ans. Honnêtement, je me suis demandé ce qu’une Australo-Asiatique de 24 ans, qui ne connaît pas la Suisse et sans aucun contact sur place, pouvait bien y faire. Mais je parle cinq langues, ça m’a peut-être aidée. Pour me préparer, j’ai notamment lu le livre Swiss Watching. Inside the Land of Milk and Money afin d’essayer de mieux comprendre ce pays. Mon premier reportage a été consacré aux horlogers indépendants et comment ils survivent à côté des grandes marques. C’était cliché, mais dans le bon sens du terme.

Ma crainte était de savoir si j’allais réussir à m’intégrer. Le fait d’évoluer dans les médias m’a facilité la tâche. Bien sûr, parfois, je ressentais le syndrome de l’imposteur, car, à 25 ans seulement, je passais mon temps à interviewer des CEO. Mais j’ai fait peu à peu ma place et j’ai compris qu’en Suisse, où les gens sont plus réservés, on doit prendre l’initiative et nouer les contacts. Lors d’événements, j’étais souvent la seule femme présente, qui plus est d’origine asiatique, et, par la suite, j’y assistais enceinte. Autant dire que je ne passais pas inaperçue. Mais être différente m’a aussi aidée, car je représentais la diversité. Grâce à des rencontres lors de European Women in Tech ou du Forbes Women’s Summit, j’ai tissé un réseau solide de femmes dirigeantes.

J’aime avant tout tenter de percevoir qui est la personne et pas seulement son titre. D’ailleurs, lors de mon entretien avec Sergio Ermotti à Berne, qui reste un des moments forts de ma carrière car il venait d’annoncer qu’il reprenait la tête d’UBS, ma première question a été de lui demander comment il se sentait, lui, en tant que personne et pas seulement comme CEO. Je crois à l’importance de l’approche personnelle, montrer qui est l’homme ou la femme derrière sa position hiérarchique. La conférence LEGO Idea au Danemark, le Festival du film de Zurich ou des événements à Genève comme le World Chambers Congress – avec plus de 100 pays participants –, Watches and Wonders, Geneva Health Forum (HUG) ou encore Startup Days à Berne sont des rendez-vous que j’apprécie parce qu’ils sont extrêmement variés. Je peux parler devant un millier de personnes parfois, sans compter l’audience TV. J’ai appris à gérer mon stress et je n’ai pas peur de poser une question si quelque chose n’est pas clair. Il faut se dire que la plupart des gens dans la salle ou derrière leur écran n’ont pas compris non plus.

Le WEF à Davos a été l’une de mes expériences de modératrice les plus enrichissantes. C’était sur la 5G, un sujet plutôt controversé. Dans ces cas-là, il faut rester factuel. Le plus difficile est de gérer les personnalités qui parlent sans discontinuer ou les introvertis.

Aujourd’hui, je ne travaille plus chez CNN Money Switzerland, car l’entreprise a fait faillite. Le monde des médias est en crise. Le temps où tout le monde se mettait devant le poste TV pour suivre les infos est terminé. Je ne suis pas sûre qu’on trouvera un modèle rentable à long terme. Pour se faire une place, un journaliste doit désormais maîtriser de multiples métiers et se former continuellement. Je suis à présent à mon compte, j’écris ou je fais des reportages filmés pour Forbes ou l’IMD notamment, en plus des modérations entre Genève et Zurich principalement, ou ailleurs en Europe. Genève est plus axée sur l’horlogerie, la crypto et le business global, alors que Zurich est davantage dans la finance et la tech. Dans l’immédiat, je vais accoucher de mon deuxième enfant. Mais je prévois des événements en Suisse romande en septembre et j’adorerais interviewer Hanneke Faber, la CEO de Logitech.»