L’article 328 du Code des obligations oblige l’employeur à protéger la personnalité de ses employés. Il impose de veiller à ce que les travailleurs ne soient pas harcelés sexuellement et qu’ils ne soient pas, le cas échéant, désavantagés en raison de tels actes.
L’article 4 de la Loi sur l’égalité entre femmes et hommes définit le harcèlement sexuel comme un cas particulier de discrimination. Il s’agit de «tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d’imposer des contraintes ou d’exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d’obtenir d’elle des faveurs de nature sexuelle.»
Flirt versus harcèlement sexuel
Constituent du harcèlement sexuel, entre autres, les commentaires grossiers et embarrassants, propos obscènes, plaisanteries déplacées et avances non désirées. Le harcèlement se caractérise par le fait que le comportement n’est pas souhaité par la personne qui le subit, contrairement au simple flirt ou au rapport de séduction.
- Le directeur d’une société a avoué ses sentiments à une employée et lui a proposé d’entretenir une relation intime. L’employée a refusé ses avances et lui a demandé de cesser son comportement. Le directeur a continué à lui envoyer de nombreux messages et a tenté de lui téléphoner régulièrement, parfois en pleine nuit. L’incapacité de travail de l’employée liée aux sollicitations du directeur, puis sa démission n’ont rien changé à ses agissements. Le Tribunal fédéral (TF) a considéré que, dès le moment où l’employée avait refusé ses avances, le directeur aurait dû immédiatement cesser toute sollicitation. Son comportement constituait du harcèlement sexuel.
- Le responsable des conseillers de vente d’une société est décrit comme un homme charmant, libertin, célibataire et qui plaît aux femmes. A la suite de deux plaintes de conseillères, il est licencié avec effet immédiat. Après une réunion professionnelle, il a touché la poitrine et le sexe d’une des conseillères dans sa voiture. Il n’a pas usé de contrainte et l’a laissée sortir quand elle s’est opposée. Quelques jours plus tard, il a embrassé la même conseillère sur la bouche et a touché sa poitrine. Il a cessé ses agissements lorsqu’elle lui a signifié son refus. Il a également caressé la poitrine et le sexe de l’autre conseillère dans sa voiture, puis cherché à obtenir une fellation que la conseillère ne s’est pas sentie tenue de prodiguer. Le lendemain, il lui a envoyé, par e-mail, une photo de son sexe en érection. Le TF a considéré qu’aussi détestables soient ces actes, le licenciement immédiat était injustifié, faute d’un avertissement préalable. Avant les faits reprochés, les plaignantes avaient échangé des propos à caractère sexuel et des baisers avec leur responsable. Cette attitude a pu lui faire croire qu’elles étaient consentantes pour «aller plus loin».
L’employeur est fondé à prohiber les flirts et les relations amoureuses au travail uniquement s’ils sont de nature à nuire à ses intérêts légitimes ou présentent concrètement une menace. Les relations entre un supérieur hiérarchique et une subordonnée peuvent être interdites. Il en va de même d’une idylle entre un formateur avec une collaboratrice dont il doit assumer la formation.
- Le TF a admis la révocation, avec effet immédiat, d’un formateur. Ce dernier a entretenu des liaisons successives avec deux personnes en formation qui lui étaient subordonnées. Ces relations étaient de nature à déstabiliser le service. Elles présentaient également le risque d’interférer dans les évaluations que le formateur pouvait être amené à effectuer. Le formateur n’était plus digne de la confiance qui lui avait octroyée par l’employeur.
Responsabilité de l’employeur
L’employeur est tenu de protéger la personnalité de ses employés. Il doit prendre toutes les mesures raisonnablement exigibles pour prévenir et faire cesser le harcèlement sexuel.
Lorsque les faits sont avérés, l’employeur devra, selon les circonstances, adresser un avertissement, voire licencier de manière ordinaire ou immédiate l’auteur du harcèlement.
Si l’employeur prend les mesures nécessaires et qu’elles sont jugées suffisantes, sa responsabilité ne sera pas engagée. En revanche, s’il n’agit pas, réagit de manière insuffisante ou tardive, il pourra être appelé à payer une indemnité à l’employée qui en est victime.
Lorsque le harcèlement est commis par un organe de l’entreprise, tel qu’un associé gérant ou un membre du conseil d’administration, l’employeur est lié par ses actes. Il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité, même s’il prouve qu’il a pris les mesures adéquates.
- Un associé gérant émettait régulièrement des remarques sexistes, grossières et dévalorisantes sur le lieu de travail. Il a même donné de manière forcée un baiser à une employée. Ces actes constituaient du harcèlement sexuel. Le TF a considéré que l’employeur ne pouvait pas se libérer de sa responsabilité, même s’il prouvait avoir pris les mesures adéquates pour mettre fin au harcèlement. L’employeur a dû payer une indemnité de 6500 francs à l’employée.
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