Un outil collectif et ludique pour sensibiliser aux enjeux environnementaux

On les appelle les «fresqueurs», à savoir celles et ceux qui ont participé à une «Fresque du climat» ou à ses déclinaisons – Fresque du numérique, de la finance, de l’immobilier durable, du textile, de la mobilité, de l’alimentation, de la mode. Imaginée en France en 2015 par Cédric Ringenbach, ingénieur spécialiste du changement climatique et ancien directeur The Shift Project, le concept essaime en Suisse, notamment dans les entreprises, les collectivités et les hautes écoles. Certains parlent même d’un phénomène viral.

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Le sous-traitant horloger Vaucher Manufacture a formé l’ensemble de ses 231 collaborateurs à la Fresque du climat, en organisant trois ateliers par mois depuis 2023. De son côté, Logitech commence la démarche avec la Fresque du numérique. «C’est un outil hyperpuissant», observe d’emblée Sylvain Sauvage, responsable du design industriel chez Logitech. Il a participé à deux ateliers de ce type chez Logitech: celui sur le climat et le numérique, ainsi que sur le plastique, à titre personnel.

L’atelier est organisé sur trois heures, avec des échanges par groupe d’une dizaine de personnes autour d’une table et de 42 cartes donnant des informations scientifiques issues du rapport du GIEC.

Chaque personne, l’une après l’autre, doit poser une carte sur la table pour établir si elle est la cause ou l’effet d’une autre carte déjà en place. La fresque se construit ainsi collectivement autour de la thématique environnementale. Un jeu d’enfant. A priori. Car le défi est ailleurs.

«L’avantage, avec ce modèle, est que la science fait avancer le débat. Ce ne sont pas des points de vue politiques ou personnels. On comprend ainsi facilement les tenants et les aboutissants de nos actions, cela en ordonnant les cartes correctement, aidé par un meneur de jeu qui est formé à animer cette Fresque», note Sylvain Sauvage.

L'impact transformateur des ateliers sur les participants et les entreprises

A la manufacture Vaucher, cinq collaborateurs ont suivi le cours d’une journée pour devenir animateur. Ils ont ainsi pu mener ensuite les ateliers au sein de l’entreprise. «En 2022, nous avions calculé l’impact CO2 de l’entreprise, par collaborateur. L’objectif suivant était de montrer les enjeux climatiques et les conséquences si on ne fait rien. Tout le monde n’est pas sensible de la même manière à ce thème, mais la Fresque permet d’amener le sujet de manière ludique. En lisant certaines cartes, comme celle avec le coccolithophore, on a l’impression de faire un cours d’orthophonie et tout le monde sourit», s’amuse Samantha Da Silva, membre de l’équipe RH de la PME de Fleurier.

Ce qui ressort également, c’est que tous les participants s’expriment, sans jugement, le travail étant collectif et se basant sur l’intelligence du groupe. Les émotions se libèrent aussi, puisqu’à la fin de la première partie, un sentiment général de consternation ressort de l’exercice. Difficile en effet de rester de marbre lorsqu’on lit une carte sur laquelle on apprend que, chaque minute, une benne entière de plastique est déversée dans l’océan.

«J’appelle ça la baffe climatique, observe le collaborateur de Logitech. Cela réveille et génère de l’innovation dans l’équipe, car, dans la deuxième phase, chacun amène des idées pour ne pas continuer à foncer dans le mur. C’est différent d’un workshop classique car c’est une prise de conscience collective. Lorsque vous savez que pour construire un ordinateur de deux kilos, il faut 800 kilos de minerais, vous ne regardez plus jamais un ordinateur de la même manière.» On en vient à réfléchir sur les matériaux, les processus de fabrication, le packaging, les outils, les batteries, ses voyages, bref, tout ce qui a un impact.

De la sensibilisation à l'action: vers des solutions durables

L’expérience se poursuit chez Vaucher avec la collecte des propositions d’amélioration suggérées pendant les ateliers. «Nous les avons synthétisées en regardant ce qui est pertinent pour notre entreprise et réalisable, note-t-elle. Cela va de petites choses, comme la distribution de tasses et de gourdes réutilisables aux collaborateurs, à la réduction du papier ou à l’isolation du bâtiment. Un plan de mobilité est aussi en cours de réflexion. Nous incitons par exemple au covoiturage en offrant une place de parking gratuite au covoitureur.»

Autre effet positif de la Fresque du climat? Les deux entreprises interrogées ont observé un élan collectif. «Beaucoup font des efforts à titre privé et s’étonnent de voir que les entreprises et l’Etat n’encouragent pas plus ces démarches. Ces ateliers poussent le groupe à avancer et remotivent ceux qui se sentaient déjà impliqués», ajoute Samantha Da Silva. Des liens différents se créent dans l’entreprise. De l’écoute et du respect se mettent en place. Tout ça avec un simple jeu de cartes, une feuille blanche et des crayons de couleur!