S'autoriser une petite sieste au bureau? C’est compliqué en Suisse. La pression est grande, les rendez-vous s'enchaînent et il est difficile de trouver des salles de repos. Il en va tout autrement dans le sud de l’Europe. Là-bas, la sieste est le meilleur moyen de surmonter les températures caniculaires de la mi-journée.

Mais ce sont les Japonais qui ont perfectionné l'art de la sieste. La culture de la sieste y est appelée «inemuri», un mélange de «présence et de sommeil». Dans le métro, les Japonais s'assoupissent. Même en réunion, ils ferment les yeux et sombrent dans un léger sommeil. Cela signale que la personne travaille beaucoup et qu'elle se repose de temps en temps.

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Culturellement, c’est accepté au Japon. En revanche, chez nous, la sieste n'est tout simplement pas adaptée à l'emploi du temps de nombreux travailleurs. C'est dommage, estime le chercheur en sommeil Albrecht Vorster de la Swiss Sleep House à l'hôpital de l'Île à Berne. «Une power-nap est aussi efficace qu'une pause-café de 15 minutes», dit-il. Après une micro-sieste, les collaborateurs seraient de meilleure humeur, plus éveillés et plus productifs.

L'homme est comme un téléphone portable

«Le chef doit montrer l'exemple, ensuite tout le monde suit», relève Albrecht Vorster. C'est une question purement culturelle. Le chercheur a lui-même suspendu un hamac dans son bureau. Une variante plus discrète consiste en des salles de repos. De nombreuses entreprises ont fait ce choix.

On en trouve par exemple chez Ikea, Bico, Google, Microsoft ou IBM. Chez IBM, les chaises longues sont utilisées depuis 1995. La même année, la Nasa a publié l'une des premières études montrant qu'une sieste sur le lieu de travail augmentait les performances: 26 minutes étaient présentées comme la durée optimale de la sieste pour avoir un effet maximal sur l'efficacité au travail.

De plus, les micro-siestes augmentent la vitesse de réaction de 16%, réduisent les pertes d'attention de 34% et, selon la Harvard T.H. Chan School of Public Health, réduisent même le risque de maladies cardio-vasculaires.

«Nous avons une sorte d'accumulateur interne, explique Christine Blume, chercheuse sur le sommeil à l'université de Bâle. Au cours de la journée, l'énergie est utilisée, l'accumulateur se vide. Mais pour éviter que nous nous endormions, le corps favorise en même temps la 'vigilance' - comparable à un stimulant corporel. Ce n'est que lorsqu'il s'agit d'aller se coucher que l'éveil est moins fortement encouragé. En combinaison avec un faible niveau de batterie, nous sommes fatigués et pouvons nous endormir.»

Si l'on se lève tôt ou si l'on a eu une matinée particulièrement active, l'accumulateur est déjà assez vide en début d'après-midi, alors que le processus de stimulation de l'éveil ne s'y oppose pas encore assez fortement. La conséquence est que l'on se sent fatigué et mou. C'est justement le moment de faire la sieste. Celle-ci fonctionne alors comme un câble de recharge rapide pour téléphone portable: la batterie ne se recharge pas complètement, mais son niveau est plus élevé.

Réussir sa sieste

De nombreux mythes entourent la sieste. En règle générale, Albrecht Vorster et Christine Blume recommandent à l'unisson environ 15 minutes. Une sieste courte est considérée comme telle lorsqu'elle dure jusqu'à 30 minutes. Ensuite, il s'agit plutôt d'une sieste, comme celle que font souvent les personnes âgées.

Toutefois, 15 minutes sont parfaites, car on ne tombe pas dans un sommeil profond. «Souvent, on n'a pas l'impression de dormir. Mais après 15 minutes, il faut se lever systématiquement, que l'on ait l'impression d’avoir dormi ou non», explique Albrecht Vorster. Le fait de somnoler peut déjà aider.

Christine Blume recommande ce qu'elle appelle la «sieste des clés»: au lieu de mettre le réveil, on peut prendre ses clés dans sa main suspendue. Dès que le corps s'est suffisamment détendu pour passer à un sommeil plus profond, elles tombent par terre: «C'est le bon moment pour se réveiller.»

Une autre astuce pour en tirer le maximum est le «nap-presso»: boire un espresso avant de s'endormir, puis s'allonger. La caféine se libère pendant le sommeil et au bout d’un quart d’heure, on se réveille avec un double boost d'énergie.

Il faut apprendre à se détendre correctement. L'armée de l'air américaine fait figure de modèle en la matière: «L'hygiène du sommeil est aussi importante qu'une alimentation saine et que la forme physique», déclare Michele Edmondson, major et commandant de la Second Airforce. Les soldats misent sur une relaxation musculaire progressive: ils parcourent le corps de la tête aux pieds, contractent les muscles et les relâchent. L'objectif: tout contracter une fois, puis tout relâcher - et c'est tout. «Ce qui semble être un super pouvoir est possible avec de la pratique», explique Christine Blume.

Dormir pendant la journée est une bonne chose. Bien dormir en général n'aide cependant pas seulement les gens, mais aussi les entreprises: le think tank Rand Europe a calculé que les troubles chroniques du sommeil peuvent entraîner une perte moyenne de temps de travail de plus de cinquante jours par an. Un coup de poignard pour l'économie suisse: environ 9 milliards de francs lui échappent chaque année pour cette raison. 

Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.

Tina Fischer
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