«La montagne, le ski et la randonnée sont présents dans ma vie depuis l’enfance, notamment dans l’Oberland bernois et en Valais, où je me suis installée depuis de nombreuses années. Je me rappelle que, vers l’âge de 10 ans, nous sommes allées voir avec ma maman un documentaire sur l’Himalaya, qui m’a profondément marquée. Plus tard, j’ai voulu devenir pilote de chasse. Hélas, avec ma myopie, cette voie était inenvisageable. Après un brevet d’avocate et une spécialisation en droit international du sport, je travaille aujourd’hui à 80% au Tribunal arbitral du sport à Lausanne.
J’ai rencontré celui qui allait devenir mon mari en 2011, lors de ma première expédition sur un sommet de plus de 8000 m au Tibet. Il s’appelle Norbu Sherpa. Il faut savoir que le peuple sherpa, originaire du Tibet, s’est établi il y a plus de 500 ans dans les hautes vallées himalayennes du Népal. Les membres de cette ethnie portent tous le nom de Sherpa et, selon des recherches scientifiques, ils ont une extraordinaire capacité physique à s’adapter à la haute altitude.
Il y a dix ans, nous avons fondé notre agence, Wild Yak Expeditions, sur l’initiative de mon mari qui a longtemps travaillé en tant que sirdar (chef des sherpas d’expéditions sur les plus hauts sommets du monde, ndlr). Notre philosophie: proposer des expéditions et des trekkings en Himalaya pour de petits groupes privatifs de maximum six personnes, ainsi que des voyages sur mesure dans cette région, en garantissant des conditions de travail décentes à nos employés. Que ce soient les salaires, la stricte limitation de poids que les porteurs et les sherpas d’expédition doivent porter, l’équipement à leur disposition ou les assurances en cas d’accident.
C’est ce qui fait notre différence et notre force par rapport aux autres agences, qui ne sont pas toujours très regardantes sur le respect de la population autochtone. Et c’est aussi le «sacrifice» personnel que nous faisons en tant que couple, séparés plusieurs mois dans l’année: je suis la personne de contact en Suisse au niveau international et mon mari s’occupe de la logistique au Népal. Nous avons une dizaine d’employés fixes, ce nombre fluctue en fonction des expéditions et peut s’élever jusqu’à une quarantaine durant les hautes saisons que sont le printemps et l’automne.
Lors du terrible tremblement de terre au Népal, en 2015, qui a fait 9000 victimes, nous avons fait le choix de rester dans le pays pour aider à la distribution de vivres et à la reconstruction d’écoles. Nous nous trouvions au moment de la catastrophe à 2 km de l’épicentre de 7,8 sur l’échelle de Richter. C’est à ce moment--là qu’est née l’ONG The Butterfly Help Project et, depuis, nous continuons à mettre en place des projets visant à offrir un meilleur avenir aux habitants du Népal. Comme notre ligne d’habits outdoor, fabriquée dans notre propre atelier de couture à Katmandou par une vingtaine de femmes. Souvent contraintes à l’exil, à Dubaï ou en Arabie saoudite, ces femmes y sont employées dans des conditions proches de l’esclavagisme moderne, sans voir leurs enfants pendant des années. Une tragédie.
Actuellement, je suis en train de finaliser un nouveau projet avec une associée qui s’appelle Meagan Fallone, une femme au parcours humanitaire incroyable, originaire de Nouvelle--Zélande. C’est une proche de la famille d’Edmund Hillary, le premier homme à avoir gravi l’Everest avec Tensing Norgay Sherpa. Nous allons lancer prochainement Mountain Path Switzerland, une structure qui existe déjà en France, qui propose des séminaires immersifs en montagne aux cadres et aux employés.
J’ai eu la chance de me retrouver au sommet de l’Everest avec mon mari, seuls à 8848 m pendant plus d’une heure et demi sur le toit du monde, à admirer ensemble le lever du soleil. Un moment unique et magique dans ma vie. La montagne, c’est une passion mais aussi un apprentissage permanent. On apprend le renoncement, l’humilité, la solidarité, le respect de la nature ainsi que l’authenticité. Dans une expédition, on ne peut plus mettre un masque et que vous soyez CEO ou femme de ménage, la montagne vous met tous sur un pied d’égalité.»