«Ici, on parle d’argent sans complexe, peu importe notre niveau de connaissance», explique Robert, un habitué. «A aucun moment, dans mon parcours professionnel, je n’ai appris à gérer mon argent», poursuit Nadia, une médecin qui a découvert Cashflow il y a peu et profite des échanges lors du jeu pour s’informer sur le 2e pilier ou sur les commissions à la bourse suisse.
Chaque table de Cashflow est dressée pour cinq convives. On tire son rôle au hasard. Ce soir, une businesswoman et une pilote d’avion feront affaire avec un concierge, un secrétaire et un ouvrier. Chacun complète sa feuille «revenus, dépenses, bilan» et lance le dé. Le but est de parvenir à un revenu passif supérieur à ses dépenses mensuelles, pour sortir du cycle «métro, boulot, dodo» et trouver les ressources pour accomplir son rêve.
C’est l’entrepreneur américain Robert Kiyosaki qui est à l’origine du jeu Cashflow. Adepte du développement personnel, l’homme milite pour l’éducation financière pour tous et la maîtrise des techniques pour s’enrichir. Il a fait fortune dans l’immobilier et les matières premières, ses livres sur la liberté financière sont des best-sellers.
Pas besoin de maîtriser la finance
«L’argent est tabou en Suisse, à tel point qu’il n’y a pas d’éducation à la finance à l’école, alors qu’on trouve normal de faire de l’éducation physique. Pourtant, en Suisse, 38% des 18-24 ans vivent endettés», souligne Thorsten Jahn, cofondateur de l’Institut de formation financière et organisateur des soirées Cashflow. Elles se tiennent à Lausanne, à Fribourg et à Neuchâtel plusieurs fois par an depuis cinq ans. Les joueurs ont entre 30 et 40 ans, avec plus de 30% de femmes.
Inutile de maîtriser la finance pour y participer. Mais si vous possédez déjà un portefeuille de titres, vous pourriez bien y apprendre quelques informations intéressantes. Par exemple que le rachat par Porsche des batteries Varta a fait chuter l’action de 70%.
Thorsten Jahn précise que son approche est neutre: «On ne va pas vous vendre des assurances et les animateurs ne touchent aucune commission sur tel ou tel placement.» Le but? Faire fructifier son argent et apprendre à investir en prenant conscience des risques et des opportunités.
«Il ne s’agit ni de flamber ni de passer des heures devant un écran à suivre les cours de la bourse. Personnellement, j’ai arrêté de travailler en 2019. Je consacre une quinzaine de minutes par jour à suivre mes placements et quelques heures par semaine aux formations que je donne en marge des soirées Cashflow. Le reste du temps, je voyage avec ma femme et mes deux jeunes enfants», glisse celui qui était mécanicien de formation. Son optique n’est pas de devenir millionnaire, mais de gagner de l’argent avec peu de travail. Il récolte entre 50 000 et 100 000 francs par an, uniquement avec ses investissements. Ses formations en trading et finance complètent ses revenus.
Investissements éthique
Pour cela, le Fribourgeois focalise son attention sur les placements peu volatils et sur du moyen ou court terme. «J’achète des actions qui ont une croissance annuelle d’au moins 8%, cela depuis minimum dix ans. Je ne parle pas d’actions Apple ou Tesla, mais moins connues, telles que Lotus Bakeries, qui a une croissance de 33% en moyenne par an, et cela depuis dix ans», explique-t-il.
La question des investissements éthiques revient souvent dans ses cours ou lors des soirées. Il est très à l’aise avec ça. «Si vous placez 10 000 francs pour trois semaines dans une entreprise cotée, ça ne va pas changer la vie de celle-ci. En revanche, les gains que je peux faire avec cet argent me permettront d’influencer mon environnement à mon échelle», estime-t-il. La soirée s’achève, la businesswoman a le plus gros cashflow, tandis que la pilote de ligne a frôlé la faillite. La tablée a surtout parlé d’argent comme on parle de météo. Et finalement, pourquoi pas?