Il y a trente-cinq ans, je débutais à la télévision romande et, durant mon stage, j’ai effectué plusieurs passages au sein de la rédaction de ce que l’on appelait encore le Téléjournal. L’une des monteuses venait tous les jours avec son chien. Un énorme animal, qui ne sentait pas toujours très bon, qui bavait beaucoup et qui occupait une grande partie du box. Il fallait l’enjamber pour aller s’asseoir et lui faire des papouilles si on voulait que le montage soit réalisé dans les temps (serrés), pour pouvoir être diffusé à 19 h 30. Mais en fait, c’était marrant, c’était vivant, c’était cool.
Après, il n’y a plus eu d’animaux dans les bureaux, à part des tonnes d’acariens, car les architectes d’intérieur des années 70 avaient eu la bonne idée de mettre des tapis non seulement par terre, mais aussi contre les murs. Et moi, comme jeune adulte, j’ai décidé d’avoir un chat à la maison. J’adore les animaux. Et chez les animaux, j’adore les chats. Ma théorie non vérifiée: «Les chiens, c’est pour les dictateurs, les chats, c’est pour les gens libres.» Parce qu’un chien, ça se dresse. Alors qu’un chat… ben vous vivez chez lui, en fait; il vous tolère, il est indressable, indépendant, insupportable parfois, mais indispensable.
Il y a des gens qui se demandent: un animal de compagnie fait-il partie de la famille? Mais c’te question! Evidemment qu’il fait partie de la famille, ce n’est pas un objet que l’on achète, c’est un être vivant que l’on adopte. Il vit avec nous, mange avec nous, dort avec nous, sort avec nous, déménage avec nous, il est avec nous sur les photos, il grandit et vieillit avec nous. Deux espèces différentes qui vivent ensemble.
Maintenant, autre question très actuelle: l’animal de compagnie peut-il être un collègue? De plus en plus d’employeurs autorisent la présence d’un animal dans l’environnement professionnel, à condition bien entendu que soient respectées les règles d’hygiène (c’est effectivement un peu plus compliqué dans un hôpital), de sécurité, d’espace personnel, de bien-être de l’animal et accessoirement des collaborateurs. Mais quand c’est possible, je suis archi pour. Dans le monde du travail, il y a bien des requins, des vautours, des jeunes loups, des moutons, des ânes aussi parfois (hin-hin), alors pourquoi pas des chiens ou des chats?
Tout le monde est d’accord, l’animal au boulot diminue le stress, crée du lien, apaise les tensions et devient assez rapidement la mascotte de l’équipe. Bon, si c’est un boa constrictor, une mygale ou un rat, cela peut se révéler un chouïa plus compliqué pour ce qui est de la convivialité. Mais un chien, c’est top: «Allez viens Kiki, on va faire un séminaire de design thinking, tu pourras manger des post-it de toutes les couleurs, de toute façon ça sert à rien, c’est super, hein?»
On pourrait aussi le dresser à aboyer à certains mots précis. A chaque fois que quelqu’un prononce «inclusif», «bienveillant» ou «diversité», le chien fait ouaf. Autant dire qu’on ne s’entendra plus du tout travailler. Ou alors l’éduquer à repérer les gens relous, il voit arriver machin ou machine et commence à grogner. Et hop! Les problèmes de harcèlement sont résolus dans l’entreprise beaucoup plus efficacement qu’à l’aide d’ateliers coûteux. Ou encore, imaginez les entretiens difficiles; vous savez que lorsque l’on est convoqué par les RH en vue d’un recadrage ou d’un licenciement, on a le droit de se faire accompagner par une personne de confiance. Généralement c’est un collègue, un représentant du syndicat ou éventuellement un avocat. Allez-y avec un doberman! A mon avis, ça se passera mieux que prévu.
Nan bon, je déconne. Ne vous réjouissez pas tout de suite de pouvoir emmener Kiki au bureau à vélo-- cargo, c’est l’employeur qui décide de la politique animalière de la boîte. Mais alleeez les chefs, s’il vous plaît, l’antispécisme au travail peut réellement avoir des vertus pacificatrices, c’est bizarre dit comme ça, mais un animal ça rend le monde professionnel plus humain. Car il est toujours plus agréable d’arriver au bureau et de voir un panier pour chien, plutôt qu’un panier de crabes.
P.-S.: Petite question subsidiaire: vous croyez que pour respecter l’inclusivité j’aurais dû dire doberman et doberwoman?