Mibelle, Hotelplan, Melectronics ou SportX: c'est un bradage comme la Suisse en a rarement connu. Pendant des années, Migros a diversifié son portefeuille, expérimenté en Allemagne, investi dans des start-up et s'est développée à grande échelle. Mais les chiffres n'ont pas été convaincants. De plus, elle a perdu des forces dans son activité principale, les supermarchés. Le conseil d'administration a réagi: nouveau chef, nouvelle stratégie, nouvel effort. «Focus, focus, focus», telle est la devise du CEO Mario Irminger.
Même son de cloche auprès d’un autre distributeur alimentaire. A la surprise générale, Nestlé a remplacé Mark Schneider par Laurent Freixe, un vétéran de la firme veveysanne. Objectif: remettre le pétrolier sur les rails en se concentrant sur son cœur de métier et les méga-marques comme Nescafé, Kitkat ou Maggi.
Le vent a tourné. Fini les expérimentations. Au lieu de se diversifier, les sociétés reviennent à leur activité principale. «Les entreprises sont plus économes, confirme Stefan Michel, professeur en marketing et stratégie à l’IMD. Le mouvement de balancier va maintenant dans ce sens.»
Un franc fort exige des spécifications
Les raisons sont multiples. L'inflation, le retournement des taux d'intérêt, les erreurs d'appréciation des tendances et la géopolitique ont alimenté l'incertitude. De plus, le franc fort pèse sur les entreprises orientées vers l'exportation. «Il rend nos produits plus chers pour l'étranger. Plus la concurrence est mondiale, plus les entreprises doivent montrer comment elles justifient ce prix.» Le professeur compare cela au décathlon: «Celui qui concourt dans toutes les disciplines n'est probablement le meilleur nulle part. Les entreprises doivent réfléchir aux domaines dans lesquels elles peuvent vraiment rivaliser et convaincre.»
Cette focalisation n'a pas lieu uniquement dans le secteur alimentaire. L'industrie pharmaceutique est aussi concernée: le patron de Lonza, Wolfgang Wienand, cherche depuis décembre un acheteur pour l'activité Capsugel. Il se sépare ainsi de l'une des plus grosses acquisitions de l'histoire de l'entreprise, qui a coûté 5,5 milliards de dollars en 2016. Une coupe coûteuse, mais selon Lonza, c'est la dernière étape pour devenir un pur fabricant à façon pour l'industrie pharmaceutique.
Le patron d'Ypsomed, Simon Michel, a également fait le ménage et a annoncé en novembre qu'il voulait se débarrasser de l'activité diabète. Non seulement cette activité a dilué le bénéfice, mais le patron voit le potentiel de croissance ailleurs: dans les stylos injecteurs, qui surfent sur une vague de succès. La demande de seringues a explosé, ce qui a profité au fournisseur de Burgdorf (BE). Le patron préfère utiliser les moyens disponibles là où les affaires sont florissantes.
D'autres entreprises ont connu la même évolution par le passé. La pression de la bourse, ou plus précisément d'investisseurs activistes comme Cevian, a été déterminante. L'exemple a été donné par ABB. Le groupe a racheté des entreprises dans le monde entier pendant dix ans, pour un montant total de 11 milliards de dollars. Cela a rendu la firme inerte et lui a valu l'étiquette de «conglomérat» auprès des actionnaires, ce qui pèse sur sa valorisation. Björn Rosengren a allégé le colosse et s'est débarrassé de ce qui n'était pas performant ou ne correspondait pas au portefeuille. Les actionnaires le remercient, car la valeur de l'entreprise a triplé en quatre ans et se situe à un niveau record.
Des taux d'intérêt bas rendent l'argent plus facile à placer
La dernière cible de Cevian s'appelle désormais la Baloise. La pionnière a tout misé sur la tendance des «écosystèmes». Elle voulait offrir au client une offre clé en main: de la mobilité à la maison, tout y était. Des rachats de start-up comme la plateforme de déménagement Movu ont suivi. Mais selon le directeur général du groupe Michael Müller, il faut en finir avec de telles acquisitions: «La Baloise ne fera pas de nouvelles acquisitions sur l'approche écosystémique et se concentrera sur son activité principale.»
Le contexte de telles acquisitions était l'ère des taux d'intérêt bas. Pendant les périodes de taux d'intérêt négatifs, l'argent était facile à trouver. «Les entreprises avaient plus de moyens pour investir dans la croissance. Elles ne devaient pas montrer immédiatement un rendement aux investisseurs, mais proposer une vision et préparer le prochain horizon», explique Stefan Michel. C'est désormais terminé, les sociétés relocalisent leurs finances. «Elles veulent garder leur boutique en ordre, ne plus s'endetter. Actuellement, on retient les gros investissements jusqu'à ce qu'on puisse les payer.» Par ailleurs, on ne sait pas non plus ce que l'ère Trump apportera.
Les start-up ne trouvent pas d'argent
Les start-up sont également touchées par ce nouveau mode de pensée. La scène était en plein essor, elles récoltaient des sommes record auprès des investisseurs. On disait que toute idée à moitié présentable suscitait l'intérêt, de préférence avec le mot à la mode d'intelligence artificielle. Depuis, un revirement a eu lieu et de nombreuses start-up connues se sont essoufflées: des aliments pour bébés (Yamo) ou des gâteaux végétaliens (Lola's Kitchen) aux filiales de beauté (Hair & Skin) en passant par des constructions en 3D (Hegias).
«Reduce to the max», dit un vieux slogan publicitaire. Une tendance que les entreprises, les actionnaires et les investisseurs suivent actuellement. Ils le feront jusqu'à ce que le balancier reparte dans l'autre sens: «Lorsque la situation se sera calmée et que tout le monde aura à nouveau de l'argent, il y aura à nouveau des expérimentations», estime Stefan Michel.
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Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.