Les entreprises suisses semblent toujours plus conscientes du fait que l’IA permet d’augmenter la productivité de nombreux métiers. Comme l’indique Avenir Suisse dans une récente étude, les investissements dans l’informatique, la communication et la technologie représentent déjà 30% de tous les investissements dans les biens d’équipements, soit davantage que lors de la bulle internet.

Toutefois, face à l’essor de l’intelligence artificielle sur le marché du travail, toutes les professions ne sont pas logées à la même enseigne. En résumé, selon les analyses du think tank, les cadres devraient profiter de ces technologies, alors que les employés de bureau risquent de faire face à une concurrence accrue.

Dans une première étape, les auteurs Marco Salvi et Patrick Schnell ont analysé les compétences de base nécessaires aujourd’hui pour exercer des professions courantes, comme employé de call center ou dentiste. Puis ils ont estimé dans quelle mesure ces aptitudes sont exposées à un risque de substitution ou si ces dernières sont plutôt complétées par les applications d’IA.

«En Suisse, beaucoup de métiers présentent des compétences similaires à celles que l’intelligence artificielle peut déjà ou pourra bientôt couvrir», souligne Marco Salvi, spécialiste du marché du travail chez Avenir Suisse. Cependant, toutes les tâches, comme les décisions émanant de juges ou de médecins, ne sont pas aussi faciles à déléguer que le résumé d’un document ou la traduction d’un texte. «En d’autres termes, même si les machines peuvent prendre certaines décisions, on ne les laisse pas forcément faire», poursuit-il.

Dans leurs analyses, les auteurs se sont basés sur des estimations d’économistes et de chercheurs des universités de Princeton et de New York ainsi que du FMI. Ils ont par exemple évalué dans quelle mesure des applications de reconnaissance d’images peuvent couvrir les compétences humaines ou à quel point l’IA doit être supervisée. Notamment lorsque des décisions erronées entraînent des conséquences importantes mettant en danger la santé et la sécurité d’autres personnes ou lorsque le métier exige une interaction humaine.

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490 000

En chiffres absolus, le nombre d’employés de bureau en Suisse qui pourraient se retrouver en concurrence directe avec l’IA. Environ 380 000 d’entre eux sont sans spécialisation.

Gagnants et perdants

Parmi les professions bénéficiaires, l’étude identifie notamment les juges et les avocats, qui enregistrent des scores d’exposition et de complémentarité supérieurs à la moyenne. Les directeurs d’entreprise, les enseignants, les médecins et les professionnels de la santé sont également plus susceptibles de bénéficier de ces technologies pour améliorer leur productivité.

Les agents de sécurité ou les électriciens présentent un score d’exposition inférieur à la moyenne et figurent parmi les professions favorisées. Présentant des scores d’exposition et de complémentarité inférieurs à la moyenne, les coiffeurs ou les personnes actives dans les services à la personne sont relativement peu concernés par l’IA. En d’autres termes, cette technologie ne les concurrence pas directement, mais ces employés ne peuvent pas non plus l’utiliser à leur avantage.

Parmi les fonctions les plus menacées figurent le personnel de bureau ou les employés des call centers. Ces salariés sont davantage touchés par les applications de l’IA dans leurs compétences, mais ne peuvent en tirer que peu d’avantages dans leur travail quotidien. Les économistes d’entreprise et les spécialistes de la communication sont également davantage susceptibles d’appartenir au groupe des professions menacées, leur travail incluant de nombreuses tâches qui pourraient être déléguées à l’IA.

Infographie IA
© Ricardo Moreira

Métiers manuels

«Actuellement, l’IA est plus avancée que la robotique, ce qui fait que les fonctions impliquant des tâches textuelles ou répétitives sont davantage impactées que les métiers manuels ou artisanaux», ajoute Marco Salvi. En chiffres absolus, l’étude d’Avenir Suisse estime qu’au total 490 000 employés de bureau en Suisse (dont 380 000 sans spécialisation) pourraient se retrouver en concurrence directe avec l’intelligence artificielle.

Le cas des médecins est intéressant. Une étude américaine a récemment révélé que ChatGPT a posé un bon diagnostic médical dans 90% des cas, contre 74% pour les praticiens. «Ces comparaisons ne sont pas toujours objectives, car on tend à réduire le professionnel à une spécialisation très pointue, relève Marco Salvi. Les médecins peuvent appréhender un problème dans sa globalité. C’est pourquoi il est important d’aborder cette question non seulement sous l’angle de la substitution, mais aussi de la complémentarité, comme nous l’avons fait dans notre enquête.»

Par conséquent, il serait préférable de parler de métiers «en transformation» plutôt qu’à risque. «Les applications d’IA tendent à régurgiter de manière sophistiquée ce qui est déjà connu. Or il y aura toujours de nouvelles décisions à prendre qui n’ont pas encore été prises ou demandent une vision allant au-delà de la simple reproduction d’informations existantes.»

Diplômes bientôt obsolètes?

Certains entrepreneurs, comme Elon Musk, déclarent ne pas s’intéresser aux diplômes de leurs employés, mais uniquement à leurs compétences. Ces titres seront-ils prochainement dépassés? «Le signal que renvoient les diplômes reste informatif, estime Marco Salvi. Peut-être que les compétences apprises ne sont pas toujours utiles, mais cela démontre, au pire, que la personne est capable d’appréhender des problèmes et de s’engager sur la durée. En outre, la faculté à apprendre est plus importante que jamais avec l’IA, notamment au sein des petites entreprises, où l’on dispose de moins de spécialisations à l’interne.»