En janvier 2024, des conflits d’intérêts et des accusations de plagiat ont conduit l’Université de Saint-Gall (HSG) à se séparer de deux professeurs, le directeur de l’Institut de gestion de la chaîne d’approvisionnement (ISCM) et un professeur titulaire du même institut. Une enquête interne a révélé que le directeur de l’ISCM était «en conflit d’intérêts multiple entre ses intérêts financiers professionnels et privés».

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Concernant le professeur titulaire, la commission d’enquête a conclu qu’il avait utilisé à plusieurs reprises des passages de travaux d’étudiants pour ses propres publications sans en citer les sources. Le professeur titulaire conteste les résultats de l’enquête. Entre-temps, l’Université technique de Darmstadt, où le professeur a rédigé sa thèse, a confirmé l’accusation de plagiat. Le professeur aurait déjà fait preuve de «mauvaise conduite scientifique» lors de sa thèse.

L’enquête en Allemagne a duré quatre ans. Celle de l’Université de Saint-Gall n’est pas encore terminée. En effet, les enquêtes internes ne sont pas des enquêtes à la va-vite. Elles peuvent mobiliser une armada de spécialistes et s’étaler sur plusieurs années.

En cas d’indices de comportement répréhensible, les entreprises mènent des enquêtes internes afin d’établir les faits de manière approfondie. Souvent, l’enquête interne est également liée à des clarifications et à des enquêtes officielles, par exemple de la Finma, de la Commission de la concurrence (Comco) ou d’une autorité pénale, explique Claudio Bazzani, qui dirige l’équipe d’investigation du cabinet Homburger. «Les enquêtes internes sont généralement déclenchées par des dénonciations, des reportages dans les médias, des demandes et des enquêtes officielles ainsi que par des faits similaires dans d’autres entreprises du même secteur.»

Whistleblower

Dans le cas du cartel de la construction dans les Grisons, un informateur a joué un rôle central, qui a conduit à l’enquête de la Comco et à trois autres enquêtes. L’industrie de la construction des Grisons a été dominée pendant des années par un cartel qui a manipulé des contrats de construction publics et privés par le biais d’accords de prix systématiques. Adam Quadroni, lui-même entrepreneur en construction, faisait partie de ce système avant de décider de révéler les pratiques illégales. Il a été soumis à une pression croissante et a finalement été exclu du réseau. Il s’est ensuite tourné vers les autorités et a fourni des preuves décisives qui ont conduit à l’enquête de la Comco. Plusieurs entreprises de construction ont par la suite dû payer de lourdes amendes.

En plus, et après l’enquête de la Comco, une commission d’enquête parlementaire s’est penchée sur les interventions de la police contre Adam Quadroni et sur les relations des membres du cartel avec les autorités locales. Une enquête administrative a examiné de près les accusations portées contre les interventions de la police, en particulier les perquisitions au domicile d’Adam Quadroni, et deux professeurs de l’Université de Fribourg ont enquêté sur les procédures suivies par l’Office cantonal des ponts et chaussées entre 2004 et 2012. La conclusion de l’enquête: le canton des Grisons n’était pas impliqué dans le cartel de la construction. Cependant, des employés du service des travaux publics auraient enfreint leurs obligations professionnelles en ne transmettant pas les informations d’Adam Quadroni à la Comco.

Un mandat clair

Selon David Rosenthal, associé du cabinet zurichois Vischer, une enquête interne réussie nécessite un mandat clair, des ressources suffisantes, un accès aux données et le soutien de la direction de l’entreprise. Il dirige le département en question au sein de son cabinet. «Sur le plan personnel, je pense qu’il est important de faire preuve d’impartialité, d’empathie et d’avoir le souci du détail», dit-il. Lors de l’analyse, il faut clairement distinguer les faits des suppositions, des évaluations et des conjectures. Selon lui, il faut parler clairement aux personnes concernées, si le but le permet, par souci d’équité et pour créer la confiance. «Il s’agit toujours de personnes, et chacune a sa propre histoire.»

La flexibilité et la capacité d’adaptation sont également indispensables, déclare Simone Nadelhofer, associée du cabinet d’avocats d’affaires Schellenberg Wittmer. De telles enquêtes peuvent être très dynamiques. «On trouve soudainement un document qui disculpe une personne jusque-là suspecte. Ou une personne interrogée fait une déclaration qui va dans une direction complètement différente de celle attendue.» L’approche de l’enquête doit pouvoir être adaptée en fonction des nouvelles découvertes, et l’équipe doit être ouverte à de tels rebondissements.

La diversité au sein de l’équipe ainsi qu’une bonne collaboration sont aussi essentielles pour la réussite d’une enquête interne. Un groupe de travail efficace réunit des spécialistes de différents domaines tels que le droit, la criminalistique, l’informatique et la communication. «Il faut des personnes qui ont du flair, des gens qui sont attentifs aux détails et d’autres qui ont une vue d’ensemble», explique David Rosenthal.

Souvent, un avocat est à la tête de l’équipe afin que les clarifications soient couvertes par le secret professionnel. De plus, une bonne collaboration avec les représentants de haut rang de l’entreprise est essentielle. Mais le plus important est de définir les objectifs et l’étendue de l’enquête. «Si le champ d’application est trop étroit, l’enquête manque son but, explique Claudio Bazzani. S’il est trop large, l’enquête s’emballe.»

Pendant l’enquête, l’équipe examine et analyse des documents, des e-mails, des chats, des données téléphoniques, des enregistrements et d’autres données. L’analyse des données électroniques est effectuée à l’aide d’un logiciel spécialisé eDiscovery et d’outils d’IA. Ce n’est que plus tard que des entretiens sont menés avec les personnes concernées. D’une part, les avocats obtiennent ainsi souvent des informations qui ne figurent pas dans les documents. D’autre part, ils peuvent également vérifier la crédibilité des personnes interrogées grâce à une analyse bien documentée.

La science au service de la réalité

La vie quotidienne d’un expert en informatique judiciaire n’a pas grand-chose à voir avec ce que l’on voit dans les films et les séries. «Ce travail est beaucoup plus complexe, prend plus de temps et nécessite une collaboration interdisciplinaire précise», explique Lionel Bloch, CEO de Forentec, une entreprise spécialisée dans l’informatique judiciaire. L’examen des preuves numériques nécessite non seulement la collecte et la sauvegarde des données, mais aussi l’analyse minutieuse d’une énorme quantité d’informations sur une multitude de supports de données. Chaque étape de l’enquête doit être documentée avec précision, car les résultats sont souvent utilisés dans le cadre de litiges juridiques.

traçabilité numérique

Les experts en informatique légale ne peuvent pas se permettre de commettre des erreurs lors de la conservation des preuves.

© Getty Images

Les technologies de filtrage modernes s’appuient sur la reconnaissance automatique de formes, l’analyse de mots-clés et la hiérarchisation basée sur l’IA. Dans le contexte économique notamment, l’Open Source Intelligence (OSINT) gagne en importance en Suisse également. L’OSINT désigne la recherche d’informations dans des sources accessibles au public telles que les registres du commerce, les médias, les réseaux sociaux, les bases de données spécialisées et le darknet, ainsi que l’analyse des informations collectées. Alors qu’aux Etats-Unis les avocats utilisent systématiquement l’OSINT dans leurs enquêtes, cette pratique n’est pas encore très répandue en Suisse.

Quand les personnes interrogées se murent

En raison de leur devoir de loyauté et de leur droit de donner des instructions, les employés sont tenus de participer à une enquête, sinon il y a violation du contrat de travail. Cependant, tous les employés ne sont pas coopératifs, que ce soit lors des entretiens ou lorsqu’il s’agit de sauvegarder des données professionnelles sur des appareils privés.

Contrairement aux procédures pénales, Simone Nadelhofer a rarement constaté que les employés refusent de témoigner dans les enquêtes menées auprès des entreprises. Les personnes impliquées ont souvent un besoin naturel de s’expliquer. C’est plus difficile avec les anciens employés qui ne sont plus directement soumis à des instructions. «Il arrive qu’ils ne se présentent pas à l’interrogatoire.» Dans de telles situations, il faut également faire appel à d’autres sources d’information.

Les enquêtes transfrontalières posent d’autres défis aux avocats. «La complexité juridique est un aspect central», déclare Simone Nadelhofer. Les différents systèmes juridiques et réglementations en vigueur dans les pays concernés, les lois variables sur la protection des données telles que le RGPD dans l’Union européenne ou la LPD en Suisse, ainsi que d’autres réglementations du droit du travail et droits de participation compliquent une approche uniforme. A cela s’ajoutent les différences culturelles: les pratiques commerciales, les styles de communication et la conception de la hiérarchie varient considérablement d’un pays à l’autre, ce qui peut entraîner des malentendus ou des retards.

Dans le cas de l’enquête Ruag, le cabinet d’avocats Niederer Kraft Frey et le Contrôle fédéral des finances (CDF) ont été confrontés à plusieurs défis. Il s’agit d’un contrat de plusieurs millions pour des chars d’assaut, d’irrégularités dans le commerce de pièces détachées, d’indices de comportement frauduleux et de signaux d’alerte internes qui ont été ignorés pendant des années, comme l’écrit le CDF dans son rapport.

Des défaillances graves

Les contrôleurs des finances ont non seulement trouvé des indices de comportement frauduleux, mais aussi des défaillances graves dans la gestion de la conformité de Ruag. Parmi ces manquements, on peut citer l’absence de mécanismes de contrôle interne, une documentation insuffisante et une mauvaise communication entre la direction et les autorités de surveillance. Un point particulièrement délicat: de nombreux problèmes qui apparaissent aujourd’hui étaient déjà connus en 2019, notamment grâce à un lanceur d’alerte, mais rien n’a été fait. Avec la publication du rapport du CDF, cela ne sera plus possible.

Cependant, les résultats de l’enquête interne se font attendre. Selon le CDF, d’importantes collectes de données et les entretiens associés avec des personnes intéressantes pour l’enquête sont toujours en cours. «Par exemple, en raison de difficultés juridiques, les données de la filiale allemande Ruag GmbH font défaut», indique le CDF.

De même, l’Office fédéral de l’informatique, en tant que sous-traitant, n’a pas pu décrypter une partie des e-mails pour des raisons juridiques. Même si l’enquête interne n’est pas encore terminée, la réputation de Ruag a souffert. Comme pour HSG, le cartel de la construction et d’autres entreprises où des irrégularités ont été découvertes ou suspectées, le traitement et l’amélioration des processus internes seront décisifs pour regagner la confiance des clients, des partenaires et du public. L’analyse sans concession des résultats des enquêtes internes contribue de manière significative à l’amélioration de la conformité.

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