Lena Sidorova, étudiante de danse de 18 ans, aimait bien se rendre à l'emblématique McDonald's de la place Pouchkine, la première enseigne occidentale majeure - et la plus emblématique - à avoir ouvert ses portes en plein centre de Moscou le 31 janvier 1990, un événement majeur pour les Soviétiques en pleine effervescence sous la perestroïka.
"J'espère que c'est une mesure temporaire", dit la jeune fille, pour qui les sanctions "ne sont pas la faute de la Russie, mais de l'Occident".
McDonald's, qui compte 850 restaurants en Russie, est l'endroit préféré de deux autres Moscovites, Stépan Grountov et Stanislav Logvinov, deux étudiants d'une université des transports.
"C'est vraiment dommage, mais quel est le rapport" entre McDonald's et le conflit en Ukraine?, s'interroge Stépan, un Bélarusse de 17 ans.
Pour lui, la fermeture de cet endroit où "tout le monde va comme à une fête" est "une tragédie".
"Le Donbass vaut bien Mcdo"
Mais, 32 ans après l'ouverture du restaurant de la Place Pouchkine qui avait suscité un engouement tel que les Moscovites faisaient la queue pendant des heures pour y accéder, le ton a bien changé chez nombre d'interlocuteurs.
"Qu'ils ferment s'ils veulent !", s'agace Nikolaï Kopylov, 42 ans, qui sort du restaurant un Big Mac à la main. "Le Donbass vaut bien McDonald's", ajoute ce Moscovite qui cligne des yeux face au soleil brillant et froid de mars.
"Les vies sauvées dans le Donbass (territoire séparatiste prorusse de l'est de l'Ukraine que Moscou affirme défendre contre un "génocide") sont beaucoup plus importantes que de bien manger", abonde Stanislav, 18 ans.
Vassili Ivanov, 40 ans, est du même avis: "Fermez ce que vous voulez, on n'en sera que plus fort", s'exclame cet ancien militaire, qui juge que le conflit en Ukraine est lié au fait que "l'Otan nous encercle" et souligne avoir "le plus grand respect pour Poutine, seul face au monde entier".
"Frappés de plein fouet"
Même ton chez les habitués d'une autre enseigne américaine, la chaîne de cafés Starbucks, qui a annoncé elle aussi sa prochaine fermeture temporaire de ses 130 cafés en Russie.
"J'aime bien leur café qui me rappelle toujours mes années de travail aux Etats-Unis", dit Svetlana Issaïeva, manager de 42 ans dans un Starbucks à deux pas du Kremlin.
"C'est triste que cela se passe dans notre pays, mais pour nous ce n'est pas un problème (...) C'est une opportunité pour la Russie de monter sa propre économie", affirme-t-elle.
A côté, Aliona, 23 ans, travaille sur son ordinateur posé entre des assiettes contenant les restes de son déjeuner.
Elle-même originaire du Donbass, venue travailler à Moscou il y a 18 mois, elle se dit "choquée" par la décision des grandes enseignes occidentales de fermer leurs portes en Russie.
"Les Occidentaux ont toujours fait la différence entre le gouvernement et le peuple", dit-elle.
"Or, ici, ils punissent justement cette couche de 20% de population, cette fameuse classe moyenne considérée traditionnellement comme pro-occidentale", s'étonne cette jeune femme qui préfère taire son nom de famille.
Elle affirme que tous ses proches critiquent l'intervention russe en Ukraine. Et pourtant, note-t-elle, "ce sont eux qui sont frappés de plein fouet".