L'interprofession du Gruyère, qui représente les acteurs du secteur en Suisse, et le Syndicat interprofessionnel du Gruyère, son pendant français, avaient bien tenté d'inscrire le terme au registre américain des marques certifiées. Mais face au refus de l'organisme, ils avaient porté plainte et avaient perdu en première instance début 2022.
Des juges d'une cour d'appel ont conforté cette décision. Il n'existe pas aux Etats-Unis les mêmes protections qu'en Europe sur l'appellation des produits alimentaires, font-ils valoir dans leur verdict. L'agence chargée de la sécurité sanitaire des aliments, la FDA, définit bien des critères pour le gruyère, comme l'existence de "petits trous" ou le fait qu'il soit vieilli pendant au moins 90 jours. Mais n'inclut pas des critères sur l'origine géographique.
Salué par le secteur laitier américain
Aussi "du fromage, peu importe où il a été produit, est étiqueté et vendu comme du gruyère aux Etats-Unis depuis des décennies". Et ce, qu'il ait été produit dans l'Etat américain du Wisconsin ou importé depuis les Pays-Bas, l'Allemagne ou l'Autriche, ajoutent-ils.
En conclusion, écrivent-ils, les plaignants ne peuvent pas aller à l'encontre de "ce qui ressort clairement du dossier: les consommateurs de fromage aux États-Unis comprennent que le terme "gruyère" fait référence à un type de fromage, ce qui rend le terme générique".
Cette décision a été saluée par plusieurs acteurs du secteur laitier aux Etats-Unis, dont la Fédération des producteurs américains de lait, qui espèrent qu'elle incitera les fédérations professionnelles françaises et suisses à "cesser de tenter d'exproprier un nom commun d'aliment" en enregistrant une marque.
Les fédérations suisse et française sont en revanche "déçues", selon leur avocat. "Nous pensons que la situation réelle sur le marché américain est différente de ce qu'a décrit la cour d'appel, et nous poursuivrons vigoureusement nos efforts pour protéger la marque de certification du produit de qualité Gruyère AOP aux États-Unis", a indiqué Richard Lehv dans un message transmis à l'AFP.
Longue bataille
Cette décision fait suite à une longue bataille juridique entre l'Interpofession du Gruyère (IPG) et une association américaine d'exportations de produits laitiers, qui s'est opposée à la labellisation de la marque "Gruyère" instaurée aux Etats-Unis en 2013.
Après sa défaite en première instance l'année dernière, l'IPG avait regretté que le gruyère suisse ne se retrouve en concurrence avec un produit "du même nom, mais totalement différent". L'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) se désolait également de cette décision qui, selon lui, ne pouvait que nuire à l'ensemble de la filière.