Marianne Schmid Mast est professeure ordinaire de comportement organisationnel et doyenne de HEC Lausanne. Ses recherches se concentrent sur le comportement interpersonnel sur le lieu de travail et englobent le comportement non verbal, la première impression, le pouvoir et le leadership, ainsi que la communication. Elle utilise diverses méthodes de recherche, y compris la RV immersive et des vidéos générées par l’IA. Marianne Schmid Mast s’engage également en tant que membre du comité exécutif du Lucerne Dialogue et en tant qu’experte dans le programme de leadership.

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Tout d’abord: qu’est-ce qu’un bon leadership?

Un bon leadership est généralement mesuré par la satisfaction du personnel ou par l’atteinte des objectifs de l’entreprise. La satisfaction des collaboratrices et collaborateurs est essentielle, car ce sont eux qui, par leur travail, permettent d’atteindre les objectifs fixés.

Quelles compétences clés les leaders doivent-ils développer aujourd’hui pour exercer un leadership moderne?

La recherche montre que le bon leadership repose sur certains comportements. Cela inclut le fait que le leader soit un modèle dont le comportement est volontiers imité par les collaboratrices et collaborateurs. Le style de leadership doit donc être ancré dans les valeurs personnelles du leader, car tout écart affaiblit la crédibilité et la confiance. Par exemple, prôner la diversité et l’intégration tout en n’interagissant qu’avec un petit groupe de collaboratrices et collaborateurs nuit à la confiance des autres.

Quel est le rôle de la compétence de dialogue dans ce contexte?

Les éléments essentiels d’un bon leadership incluent également de fixer des objectifs élevés et de fournir les ressources nécessaires pour les atteindre. Le leader moderne est moins autoritaire, agissant davantage comme un coach qui soutient et accompagne ses collaboratrices et collaborateurs. La disponibilité au dialogue et la compétence en communication sont essentielles, car des études montrent que les leaders passent environ 80% de leur temps en interactions sociales.

Le leadership est toujours relationnel, reposant donc principalement sur la confiance malgré toutes les technologies. Qu’est-ce que cela signifie pour la formation et la sélection des leaders?

La formation en leadership consiste en grande partie en un entraînement à la communication et à l’interaction: comment résoudre les conflits entre les collaboratrices et collaborateurs? Comment donner un feed-back constructif tout en abordant les aspects négatifs? Comment négocier efficacement et construire son réseau? Il est donc essentiel de tester ces compétences lors de la sélection des leaders. La confiance se développe lorsque les collaboratrices et collaborateurs peuvent compter sur leur leader, que ce dernier se comporte de manière prévisible et prend des décisions justes et transparentes.

Vous menez des expériences avec des réalités immersives. Quelle est l’utilité de ces expériences pour le leadership au quotidien?

Question légitime! Pour les personnes technophiles qui n’ont pas facilement accès à des formations en leadership, la formation en réalité virtuelle (RV) peut être très utile, selon les compétences travaillées. Un scénario fréquent est de prononcer un discours devant un public virtuel. C’est une situation stressante pour beaucoup, pas seulement pour les leaders, mais aussi pour les étudiantes et étudiants, et on ne s’améliore qu’en relevant ce défi à plusieurs reprises. La RV constitue ici une bonne étape intermédiaire: moins intimidante qu’un véritable public, mais plus stressante que de s’entraîner seul devant le miroir. Pour certaines compétences, comme parler en public, la formation en RV peut être très utile.

«Les leaders reçoivent rarement des feedbacks honnêtes.»

 

Comment un leader moderne équilibre--t-il l’autorité traditionnelle avec la nécessité d’une plus grande participation et de hiérarchies plates?

Le problème ne réside pas dans les hiérarchies elles-mêmes. Les hiérarchies sont nécessaires, car quelqu’un doit assumer la responsabilité des décisions. Il serait inconcevable de prendre chaque décision après de longues discussions démocratiques accompagnées de luttes de pouvoir. Les hiérarchies attribuent la responsabilité, ce qui est important pour éviter le phénomène de diffusion des responsabilités, où personne ne se sent concerné et rien n’est accompli. Le véritable problème réside dans les mauvais leaders, ceux qui sont autoritaires ou incompétents. La solution consiste à développer un style de leadership participatif, plutôt qu’à abolir les hiérarchies.

Comment les «loups solitaires» peuvent-ils tirer parti du potentiel des collaboratrices et collaborateurs de la génération Z?

Les entreprises ayant des leaders capables de mobiliser les collaboratrices et collaborateurs de la génération Z auront un avantage concurrentiel. Les autres auront du mal à attirer de jeunes talents. Les entreprises doivent donc veiller à sélectionner des leaders dotés de compétences telles que la volonté de dialoguer, la compétence sociale, le sens de la justice, la transparence et des valeurs morales. Si ces compétences font défaut, il est essentiel de former les leaders.

De nombreuses personnes critiquent les dirigeants dans les domaines économique et politique. Comment identifier et promouvoir les vrais leaders, celles et ceux qui élèvent tous les autres et ne progressent pas seulement eux-mêmes?

Il est difficile de trouver les bons leaders, car nous sommes souvent impressionnés par des personnes charismatiques et extraverties qui présentent leurs idées de manière convaincante. Cela peut être positif si ces personnes ont de bonnes intentions, mais aussi dangereux si elles diffusent de mauvaises idées. Nous devrions donc accorder plus d’attention aux réalisations concrètes d’une personne, plutôt qu’à ses paroles. A l’ère des fake news, il est cependant particulièrement difficile de distinguer les vraies informations des fausses.

Le pouvoir entraîne-t-il la corruption? Ou que signifie le fait que les leaders de haut niveau reçoivent rarement des feedbacks honnêtes?

Il existe plusieurs mécanismes qui expliquent pourquoi les positions de pouvoir entraînent souvent des abus. L’un d’entre eux est que les leaders reçoivent rarement des feedbacks honnêtes. La recherche montre également qu’ils peuvent ignorer les informations provenant d’autres personnes, même des experts. Le grand problème du leadership corrompu, et en même temps une solution, réside dans l’absence de processus de régulation internes et de mécanismes de supervision au sein des conseils d’administration. Cependant, il est important de souligner que la majorité des leaders ne sont pas corrompus – ils sont simplement moins souvent sous les feux de la rampe.

>> En savoir plus sur l'Annual Meeting du Lucerne Dialogue, qui a lieu à Lucerne les 27 et 28 novembre 2024