Dans une large majorité des cas, ce sont les femmes et les subalternes qui en sont victimes. Aujourd’hui, des plateformes participatives relatent cette violence subie au quotidien. Ces sites dénoncent un sexisme ordinaire qui ne se limite pas aux milieux populaires. Les universités, les cabinets d’avocat et le monde médical sont également touchés. Un chirurgien déclare en arrivant au bloc opératoire: «Baissez vos culottes les filles, c’est papa qui pilote.» Un professeur de droit évoque en cours: «L’avantage avec les lois, c’est qu’on peut les violer sans qu’elles crient.»

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Quand y a-t-il harcèlement sexuel?

La protection du travailleur contre le harcèlement sexuel découle de l’article 328 CO et de la Loi sur l’égalité entre femmes et hommes. L’article 4 LEg interdit expressément le harcèlement sexuel, forme particulière de discrimination. Par harcèlement sexuel, on entend «tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail». (art. 4 LEg)

Le harcèlement sexuel peut être le fait de l’employeur/supérieur/collaborateur/client qui profitent de leur position ou de leur influence au sein de l’entreprise pour importuner une/un employé(e) par des propositions malvenues, propos immoraux, images, objets ou gestes déplacés. Ces actes peuvent être des propos sexistes, obscènes, grossiers, plaisanteries douteuses, sifflements, regards soutenus, gestes non désirés, attouchements, exhibitionnisme, exposition de matériel pornographique, érotique ou de charme dans les locaux de travail, publications et/ou messages sur les réseaux sociaux.

Un acte isolé suffit. L’intention de discriminer n’est pas nécessaire. Le harcèlement sexuel se distingue du rapport de séduction, qui n’est bien entendu pas prohibé par la loi. Se dissocie encore du harcèlement sexuel, le flirt, qui est consensuel. Le harcèlement peut prendre différentes formes, il peut même être visuel. Cela implique une confrontation non désirée à des images à caractère pornographique.

Mesures insuffisantes retenues par la jurisprudence

  • Justine est engagée par une société informatique en qualité d’assistante. Dans son travail quotidien, elle est en rapport direct avec Antonio. Justine lui reproche de la harceler en ayant installé sur l’écran d’ordinateur d’Antonio des photos de femmes nues. Il tenait aussi, en permanence, des propos à connotation sexuel en présence de Justine. Le Tribunal fédéral (TF) a considéré que les actes d’Antonio constituaient de harcèlement sexuel.
  • Dame se plaint auprès du président du CA d’être victime de harcèlement sexuel de la part de son directeur. Quelques jours plus tard, Dame échange avec deux collègues des messages personnels contenant des réflexions vulgaires. Informé, l’employeur résilie le contrat de Dame. Elle ouvre action pour obtenir une indemnité pour tort moral en raison du harcèlement subi. Le TF a reconnu que le directeur s’était exclamé «toutes des salopes». Suite à la plainte de Dame, l’employeur se devait d’intervenir et de prendre des mesures pour mettre fin aux comportements incriminés ou encore pour prévenir d’autres comportements inadéquats.
  • Pendant quatre ans, une secrétaire de direction est l’objet d’attouchement de son supérieur. A plusieurs reprises, ce dernier a tenté de l’embrasser sur la bouche. Lors d’un week-end de séminaire, elle doit repousser une avance nettement plus précise. Elle s’en plaint, par écrit, à la direction. Suite à cet évènement, l’employée souffre d’une longue dépression. Au terme de son délai de protection contre les congés, l’employeur la licencie pour des motifs économiques. La jurisprudence considère qu’il est abusif de se prévaloir de son propre comportement, contraire au droit pour signifier un licenciement. Le Tribunal des prud’hommes de Genève a considéré le licenciement comme abusif. L’entreprise a licencié la secrétaire dès la fin de la protection contre les congés. Elle n’a pas envisagé d’autres mesures pour lutter contre le harcèlement. L’absence prolongée de la secrétaire était bien due au harcèlement qu’elle subissait.


Harcèlement sur les réseaux sociaux

Le cyberharcèlement, aussi appelé cyber-mobbing, est une forme de harcèlement via internet. Cette nouvelle forme de harcèlement se répand de plus en plus dans le cadre professionnel. Les victimes sont la cible d’agressions répétées par messages ou publications via les médias numériques, Facebook, LinkedIn, Instagram, Twitter, WhatsApp, Snapchat, Signal, Viber… L’utilisation d’internet facilite la diffusion rapide du message sous couvert de l’anonymat, auprès d’un large cercle d’utilisateurs. De plus, les publications sont difficiles à faire disparaître. Ces agressions peuvent prendre différentes formes: diffusion de rumeurs, création de faux profils, messages haineux, menaces, insultes, images attentatoires à la personnalité.

De la même manière que pour les autres formes de harcèlement, l’employeur se doit de prendre des mesures nécessaires et utiles pour préserver la santé et l’intégrité personnelle du travailleur. Pour lutter contre le cyberharcèlement, l’utilisation des réseaux sociaux privés et professionnels doit impérativement faire l’objet de réglementations au sein de l’entreprise. A défaut, l’employeur verra sa responsabilité engagée à l’égard des collaborateurs victimes de tels actes.

Retrouvez l’expertise de Marianne Favre Moreillon, directrice et fondatrice du cabinet juridique DroitActif et EspaceDroit, dans plus de 450 articles