L’employeur est tenu de protéger la santé et la personnalité de ses collaborateurs (art. 6 LTr et 328 CO). Le devoir de protection de l’employeur implique qu’il doit prendre toutes les mesures pour éviter que le travailleur ne se mette dans un état tel qu’il expose sa personne ou celle d’autres travailleurs à un danger. Il en résulte qu’il doit s’assurer que la santé des collaborateurs ne soit pas menacée par un collègue de travail qui est sous l’influence de l’alcool et de drogues.
Responsabilité de l’employeur
Si l’employeur omet de prendre des mesures afin de lutter contre la consommation d’alcool et de drogues alors que des intérêts de sécurité l’exigent, il peut voir sa responsabilité engagée en cas d’accident. L’employeur diligent adoptera une directive relative à l’interdiction de la consommation d’alcool et de drogues au travail, et fixera les conséquences qui en découlent, notamment les sanctions en cas de violations (art. 321d CO et 35 al. 3 OLT3).
Tests de dépistage
Un moyen efficace pour lutter contre l’alcool au travail est de procéder à des tests de dépistage préventifs ou en cas de soupçons. Toutefois de tels tests ne peuvent être effectués qu’à des conditions strictes, fixées par le Préposé fédéral à la protection des données.
Un test de dépistage constitue une atteinte à la personnalité du collaborateur. Il en résulte qu’un tel test n’est admissible que lorsque des impératifs prépondérants de sécurité le justifient. Il peut s’agir de la sécurité des collaborateurs concernés ou des tiers qui recourent à leurs services tels les patients d’un médecin. Peuvent être soumis à des tests de dépistages, les collaborateurs qui manipulent des substances toxiques ou inflammables, routiers, chauffeurs, personnel du trafic aérien et ferroviaire, médecins, infirmiers, conducteurs de grues ou de véhicules de chantiers, couvreurs, policiers et gendarmes.
Par contre, lorsqu’il n’y a aucun impératif de sécurité prépondérant, les tests de dépistage préventifs sont, en l’absence de soupçons concrets, disproportionnés. Il en va ainsi pour le personnel administratif, une secrétaire, un journaliste ou un vendeur. Au vu de son caractère intrusif, l’employeur doit obtenir le consentement de son collaborateur pour procéder à un test de dépistage, qu’il soit préventif ou non.
Précisons qu’un test de dépistage ne sera licite que s’il est effectué par du personnel médical, aux frais de l’employeur. Un alcootest en vente libre dans une pharmacie ne sera pas valable.
Licenciement immédiat
L’ivresse au travail ou la consommation de drogue ne constitue, en principe pas, un motif de licenciement avec effet immédiat, si l’employé n’a pas préalablement fait l’objet d’un avertissement. Si les tâches du travailleur nécessitent un seuil de tolérance particulier ou une abstinence en raison d’exigences légales ou sécuritaires, le non-respect de ce seuil ou de cette abstinence peut alors permettre un licenciement immédiat sans avertissement préalable.
Le Tribunal fédéral (TF) s’est prononcé à de nombreuses reprises sur cette problématique:
- Un chauffeur poids lourd de l’aéroport de Genève a été licencié avec effet immédiat pour avoir conduit avec un taux d’alcoolémie situé entre 0,47 et 0,50‰, alors que le règlement d’entreprise prescrivait un taux d’alcoolémie de 0‰ sur le tarmac. Le TF a considéré que licenciement immédiat était injustifié. Il n’a pas été prouvé que le travailleur avait, en raison de son état, mal accompli ses prestations de travail ou dérangé ses collègues. Il avait certes déjà reçu un avertissement, mais pour des faits n’ayant aucun rapport avec la consommation d’alcool. Sa faute était de gravité moyenne.
- Le licenciement immédiat d’un agent de détention, surpris à boire du vin avec un détenu dans un établissement d’exécution des peines a également été considéré comme justifié. Une telle proximité est propre à faire douter sérieusement l’employeur de l’aptitude de l’agent à assumer pleinement sa fonction.
- Un directeur, responsable du service informatique, soupçonné de consommer de la drogue est convoqué par son employeur. Il avoue consommer régulièrement de l’héroïne, mais en dehors du travail. Suite à cet aveu, l’employeur le licencie avec effet immédiat. Sa consommation de drogue n’a pourtant pas influencé la qualité de son travail. Elle n’a pas non plus eu d’effet sur le climat de travail ou l’image de l’entreprise auprès de tiers. L’employeur aurait dû notifier un avertissement préalable à son employé. Le licenciement immédiat n’était pas justifié.
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