Depuis les années 1970, la Silicon Valley est considérée comme le centre mondial des innovations disruptives. Les semi-conducteurs, les logiciels informatiques, les smartphones et l’intelligence artificielle y étaient et y sont encore développés, avant d’être exportés sous forme de différents produits vers les coins les plus reculés de la planète.
Depuis, d’autres clusters d’innovation ont vu le jour un peu partout dans le monde: Londres pour les développements fintech, Stockholm et Shenzen pour les technologies de communication, Tel-Aviv pour la sécurité informatique et l’agglomération de Zurich/Zoug pour les technologies crypto et la blockchain. Le succès de ces clusters est particulièrement visible dans les scores calculés par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), où la Suisse occupe depuis des années la première place.
- Londres: fintech, technologies pour les services financiers
- Paris: e-health, mobilité/logistique, énergie
- Berlin: e-commerce, fintech, insurtech
- Amsterdam: banque numérique, medtech, edtech
- Barcelone: e-commerce, gaming, biotech
- Tel-Aviv: sécurité informatique, technologies agricoles
- Zurich/Zoug: fintech, crypto, technologies blockchain, robotique
- Bâle: sciences de la vie, pharma
- Stockholm: télécommunications, fintech, streaming
- Dublin: logiciels d’entreprise, software-as-a-service
- Lisbonne: intelligence artificielle, cloud computing
- Copenhague: cleantech, biotech, fintech
- Munich: automobile, IoT, robotique, technologie spatiale
- Helsinki: gaming, communication mobile
- Milan: robotique, blockchain, intelligence artificielle
Source: Commission européenne, Crunchbase, TND
Un terrain propice
«La concurrence mondiale entre les sites d’innovation est intense», explique Raymond Cron, CEO de Switzerland Innovation. D’après les recherches menées dans ce domaine, ce sont toujours les mêmes facteurs qui jouent un rôle dans l’apparition de clusters d’innovation performants. «L’excellence des universités et des instituts de recherche, de même que la capacité d’un pays à attirer les meilleurs talents, constituent des facteurs décisifs, explique Raymond Cron. En outre, les incitations financières qu’un Etat peut offrir aux acteurs de l’innovation ainsi que la disponibilité à court terme d’infrastructures attrayantes jouent un rôle primordial.»
Le système éducatif d’un pays doit répondre à des exigences très élevées afin que le niveau des établissements d’enseignement supérieur soit à la pointe, poursuit-il. «C’est la condition sine qua non pour attirer les meilleurs talents.» La Suisse est très bien placée dans ce domaine grâce à son excellent système éducatif et à son ouverture sur le monde. La mise en réseau internationale des hautes écoles est également décisive, raison pour laquelle la Suisse doit rapidement retrouver un accès direct aux programmes de recherche de l’UE. «Parallèlement, il faut entretenir et développer ce qu’on appelle les écosystèmes d’innovation à tous les niveaux, explique Raymond Cron. Ces écosystèmes se caractérisent par une forte densité d’universités et d’instituts de recherche, de start-up et d’entreprises internationales, qui font de la recherche et du développement sur place.» De tels écosystèmes, auxquels appartient Switzerland Innovation, le seul à opérer à l’échelle suisse, constituent un terreau optimal pour des innovations réussies.
L’open innovation et la collaboration, voilà deux thèmes qui devraient marquer le paysage de l’innovation. «Pour cela, nous avons besoin de travailler en commun au sein des écosystèmes d’innovation. Bien entendu, cette collaboration se fait aussi au-delà des frontières nationales, en mettant en réseau les écosystèmes au niveau international», analyse Raymond Cron. Selon lui, la complexité des défis actuels en matière d’innovation et de recherche exige des partenariats internationaux. «Cette collaboration internationale peut se faire à l’aide de moyens virtuels. Cela dit, le meilleur lieu restera toujours autour de la machine à café.» C’est là que les chercheurs et les entrepreneurs peuvent échanger informellement. C’est là que naissent de nouvelles idées qui feront avancer les projets d’innovation.
La Suisse, un bon exemple
«Un système juridique stable et favorable aux innovations, comme celui de la Suisse, est également central pour la promotion de la recherche», ajoute Patrik Wermelinger, responsable de la promotion de la place économique chez Switzerland Global Enterprise (S-GE), l’organisation suisse officielle de promotion des exportations et de la place économique. «L’activité de recherche bénéficie aussi d’une collaboration efficace entre différentes organisations partenaires. Ainsi, le travail de promotion de Switzerland Innovation à l’étranger est intégré dans le mandat de la promotion nationale de la place économique», ajoute Patrik Wermelinger.
Switzerland Global Enterprise (S-GE) agit sur mandat de la Confédération (Seco) et des cantons. En collaboration avec les organisations régionales et les cantons, la promotion nationale de la place économique renforce la Suisse en tant que site d’innovation et de technologie grâce à des implantations d’entreprises ciblées.
S-GE fait la promotion des parcs d’innovation suisses dans des pays sélectionnés en y consacrant des ressources humaines et financières. Outre Switzerland Innovation, l’agence suisse pour la promotion de l’innovation Innosuisse, Swissnex et Présence Suisse sont représentés dans ce que l’on nomme le Sounding Board Standortpromotion, à des fins de coordination régulière.
La Confédération (Seco) et les cantons ont donc chargé S-GE de faire venir en Suisse, de manière ciblée, des leaders de l’innovation, afin de compléter les écosystèmes locaux et de renforcer ainsi la place technologique suisse. «Notre groupe cible est constitué d’entreprises innovantes issues de secteurs technologiques ayant un fort potentiel d’avenir», explique Patrik Wermelinger.
«Ces entreprises sont également des partenaires d’innovation importants pour les PME suisses: elles offrent des emplois hautement qualifiés et déclenchent une création de valeur plus que proportionnelle pour la Suisse.» Actuellement, la promotion nationale de la place économique vise des entreprises qui sont à la pointe des technologies d’avenir ou qui souhaitent le devenir, dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la blockchain, de la médecine personnalisée, de l’advanced manufacturing ou encore de la robotique et des drones.
La Suisse compte désormais une offre très large de programmes de soutien, comme des incubateurs, qui profitent à la culture start-up. «On accélère l’innovation en permettant le transfert de technologie de la science vers l’économie privée. C’est là que Switzerland Innovation, Innosuisse ou certains postes dédiés dans les hautes écoles et les universités ont un rôle à jouer, explique Patrik Wermelinger. Les nombreux exemples de start-up suisses qui réussissent et parviennent à se développer rapidement sont des modèles inspirants, aussi bien pour les entreprises étrangères que les futurs entrepreneurs.»
Grâce aux investissements croissants des sociétés de capital-risque, la communauté des start-up suisses est en pleine expansion, ajoute-t-il. Mais le potentiel d’investissements supplémentaires demeure important en Suisse. «La promotion nationale de la place économique revêt donc un rôle stratégique central puisqu’elle relie les écosystèmes d’innovation mondiaux aux écosystèmes suisses», poursuit Patrik Wermelinger. L’objectif est de compléter de manière ciblée les écosystèmes locaux et de s’adresser non seulement aux entreprises, mais aussi à différents acteurs tels que les investisseurs en capital-risque (ICR) et à des multiplicateurs (par exemple, aux médias et aux associations). «Dans l’exécution de sa mission, S-GE renforce en outre toujours plus les aspects de durabilité.»
>> Lire aussi: «L’Europe doit de réveiller»
La scène européenne de l’innovation est étroitement interconnectée sur le plan personnel et financier. Selon une vue d’ensemble de Startup Heatmap, Londres fonctionne par exemple comme un aimant. La capitale britannique voit l’arrivée de fondateurs et de capacités issus de petits centres d’innovation européens, mais dans un même temps, de nombreux leaders la quittent pour d’autres pôles comme Berlin, Amsterdam ou Dublin.
La facilité avec laquelle il est possible de changer de ville dépend de plusieurs facteurs, comme le coût de la vie et la disponibilité de logements abordables. Les centres d’innovation comme Istanbul, Paris et Barcelone ont ainsi gagné en importance ces dernières années par rapport à Londres ou Berlin. Londres subit aussi les effets du Brexit, même si la Grande-Bretagne est parvenue à confirmer sa participation à Horizon début septembre 2023, grâce un accord d’association avec l’Europe.
La Suisse se retrouve ainsi sous pression, les vagues projets d’alliance concurrente avec les Britanniques ayant été abandonnés. Et le temps presse, car, à Londres, on craint d’avoir déjà raté une partie substantielle du programme qui court jusqu’en 2027. Selon la Commission européenne, Paris, Bruxelles, Munich et Madrid ont obtenu les subventions les plus élevées dans le cadre d’Horizon.
>> Le rendez-vous annuel «Lucerne Dialogue» aura lieu les 22 et 23 novembre. Pour en savoir plus: www.lucerne-dialogue.ch