Faire la lessive et préparer le repas de midi, voilà ce que font de nombreux employés à côté de leurs tâches professionnelles lorsqu’ils sont en home office. Certains s'assurent que leur statut reste vert dans les programmes de chat et donnent ainsi l'impression à leur employeur qu'ils travaillent. Cette simulation de travail ou «fake work» est une épine de plus en plus douloureuse dans le pied des entreprises.

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Alors qu'auparavant, elles avaient un indice clair pour savoir si une personne était sur place et donc au travail, elles ne peuvent plus observer les employés dans leur bureau à domicile. Il existe désormais des firmes comme Novartis qui mesurent, grâce à des «analyses de poste de travail», si leurs employés téléphonent, écrivent des e-mails ou participent à des réunions numériques. Ou alors des agences de détectives privés comme Basilisk Detektei (BL), qui proposent des offres spécifiques pour contrôler les employés en télétravail.

Experte en droit du travail à l'université de Saint-Gall, Isabelle Wildhaber nous explique dans quelle mesure la surveillance est possible dans la cadre du home office et où se trouvent les limites.

Comment définissez-vous le «fake work»?

Le faux travail est en partie défini comme un travail dans lequel les exécutants sont certes occupés, mais qui n'apporte pas de valeur ajoutée mesurable, ni à eux-mêmes ni à l'entreprise, par exemple des réunions sans objectifs clairs.

Ces réunions témoignent surtout d'une gestion inefficace.

En effet, c'est une question de leadership et d'auto-organisation au sein de l'entreprise. Si ce type de situation survient, il faut y remédier. Ceci dit, même les heures inefficaces pendant lesquelles les employés se tiennent à la disposition de l'employeur sont considérées comme du temps de travail. Les tâches superflues qui mobilisent des ressources sont de la responsabilité de l'employeur et ne sont pas le problème des employés.

En revanche, les employés sont responsables lorsqu’ils font croire à leur employeur qu'ils travaillent.

Exactement. Par faux travail, on peut aussi comprendre que les employés sont connectés à leur entreprise via leur ordinateur à domicile, mais qu'ils s'occupent de tâches privées, comme plier le linge ou cuisiner.

Aujourd’hui, les gens plient le linge, alors qu'avant ils discutaient plus longtemps autour de la machine à café…

Dans le monde du travail, il y a toujours eu des employés qui passaient trop de temps au téléphone pour des affaires privées ou à la machine à café. En dehors du bureau et avec les possibilités techniques actuelles, il semble plus facile de faire semblant de travailler et de s'occuper de choses qui ne sont pas liées au travail.

Quelle est donc la règle générale?

Les travailleurs doivent en principe être présents et pouvoir réagir dans un délai raisonnable. Si ce n'est pas le cas, il est conseillé à l'employeur d'émettre plusieurs avertissements écrits. Cela peut aller jusqu’au licenciement immédiat de l'employé.

Jusqu’où les entreprises peuvent-elles aller pour vérifier si leurs employés fournissent réellement les prestations attendues?

L'idée d'espionner les collaborateurs au moyen de logiciels de surveillance, voire d'engager une agence de détectives, fait son chemin chez les employeurs.

De telles pratiques sont-elles autorisées dans notre pays?

En matière de surveillance, il faut faire attention à ne pas dépasser les bornes. En effet, les employés concernés qui ne travaillent pas correctement sont souvent des cas isolés et on se retrouve rapidement dans le domaine de l'illégalité. Les mesures de surveillance doivent être conformes au droit suisse du travail et de la protection des données. Les systèmes de surveillance et de contrôle ne doivent pas être utilisés principalement pour contrôler le comportement. En outre, même un contrôle de comportement prétendument occasionnel doit être proportionnel. De plus, les employés doivent avoir été informés au préalable de la surveillance. Cela signifie qu'un employeur ne peut surveiller des données électroniques que s'il a informé au préalable de la possibilité, du type et de l'étendue de la surveillance.

Y a-t-il des exceptions?

Des mesures de surveillance et de contrôle peuvent être nécessaires pour d'autres raisons, notamment lorsqu'il s'agit de sécurité. Une surveillance vidéo dans la zone des caisses, par exemple, sert à prévenir et à combattre la criminalité.

Qu'en est-il concrètement de la surveillance des employés derrière leurs bureaux à domicile?

Il serait acceptable que les absents soient enregistrés via Slack ou Microsoft Teams au moyen de l'affichage du statut. Mais il serait inadmissible d'activer en permanence chez les employés une caméra PC, un tracker GPS ou un keylogger, un appareil qui enregistre les saisies au clavier. Le Tribunal fédéral a jugé inadmissible l'utilisation d'un logiciel qui enregistrait pendant des semaines les sites web visités à l'insu des employés. Il en va autrement lors d’un soupçon de délit. Dans ce cas, l'employeur peut recourir à une enquête interne consciencieuse, cela découle de son devoir d’assistance. L'entreprise peut également confier l'enquête à un tiers indépendant.

Pour conclure, quelles sont vos recommandations?

Tout bien considéré, je recommanderais à chaque entreprise d'agir avec confiance et non avec surveillance. Plus la surveillance est importante, plus les travailleurs éprouvent le besoin de contourner le système et ses contrôles. Les systèmes de surveillance sont rapidement «déjoués».
 

Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.

Tina Fischer
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