Elles sont bien formées, ambitieuses et se retrouvent sur une voie de garage. C’est le cas de nombreuses femmes qui, après une pause pour raisons familiales, souhaitent, à plus de 40 ans, se relancer à fond sur le marché du travail.

Dans les carrières linéaires, les plus grands bonds se produisent entre 30 et 40 ans. On pense généralement que celles qui n'ont pas encore atteint le niveau de cadre moyen n'ont aucune ambition de carrière. «L'économie suisse se prive ainsi d'un potentiel incroyable», critique Alexandra Rhiner d'Advance, une association qui s'engage pour l'égalité des sexes dans le monde économique. Elle est co-auteur d'un livre blanc récemment publié sur les perspectives de carrière des femmes de plus de 40 ans. Le bilan de l'enquête menée auprès de 1200 femmes actives de ce groupe d'âge est décevant.

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En 2022, le Québécois Yann Lamarche s'est lancé dans une folle aventure: quitter sa terre natale pour inaugurer la filière suisse d'Emovi.

Près d'une femme sur deux âgée entre 41 et 45 ans est insatisfaite de sa progression professionnelle. L'enquête menée par Advance, le centre de compétence pour la diversité et l'inclusion de l'Université de Saint-Gall et le cabinet de conseil EY a porté sur des femmes issues de différents secteurs et travaillant dans de grandes entreprises. Elle n'est pas représentative, mais «très significative» selon ses auteurs. Plusieurs chercheurs dans le domaine de l'inégalité des sexes et du marché du travail, interrogés dans le cadre de cet article, le confirment.

Le plafond de verre est plus épais en Suisse

De nombreuses femmes réduisent leur temps de travail entre 30 et 40 ans pour s'occuper de leurs enfants. Alors que certains de leurs collègues masculins obtiennent des promotions, les femmes sont plus lentes à faire carrière en raison de leur temps partiel. Selon le centre de compétence pour la diversité et l'inclusion de l'Université de Saint-Gall, seuls 4% de toutes les promotions sont attribuées à des collaborateurs travaillant à moins de 80%.

«Après 40 ans, l'heure de pointe de la vie de famille est passée pour beaucoup de femmes, explique Alexandra Rhiner. Elles se trouvent dans leur carrière là où leurs collègues masculins se trouvaient à 30 ans.» Certaines seraient prêtes à augmenter à nouveau leur temps de travail et à assumer davantage de responsabilités. Mais dans de nombreux cas, elles se heurtent au proverbial plafond de verre.

En Suisse, les statistiques le prouvent amplement. Dans le «Glass-Ceiling Index» du magazine britannique The Economist, notre pays se situe année après année dans les derniers rangs. «L'image classique des rôles de genre est toujours plus ancrée en Suisse qu'ailleurs», explique à ce sujet la professeure de sociologie Stéphanie Steinmetz. Elle mène des recherches à l'Université de Lausanne, notamment sur les inégalités entre les sexes sur le marché du travail suisse. «Dans notre pays, les femmes avec enfants sont davantage poussées à travailler à temps partiel, ce qui est souvent incompatible avec une fonction de direction.»

«Les mères portent un sceau aux yeux des employeurs: elles sont considérées comme des mères qui travaillent aussi, plutôt que comme des forces de travail qui sont aussi des mères», estime Alexandra Rhiner. Certes, il existe désormais dans de nombreuses entreprises des programmes spécifiquement destinés à la promotion des femmes. Mais ils s'adressent souvent aux jeunes femmes dans la trentaine. «Les femmes de plus de 40 ans sont invisibles sur le marché du travail, elles sont un point aveugle dans le développement des cadres», ajoute-t-elle. Dans la société, 40 ans est considéré comme la nouvelle trentaine. Sur le marché du travail, cela ne semble pas encore être le cas.

Sous-emploi, malgré le manque de personnel qualifié

Cela crée de la frustration auprès des femmes concernées. Dans une étude réalisée en 2023 à l'attention du Secrétariat d'État à l'économie, 85% des mères actives interrogées indiquaient qu'elles se sentaient surqualifiées pour leur emploi.

«Les femmes dans la quarantaine ont encore plus de vingt ans de travail devant elles», rappelle Alexandra Rhiner. Investir dans cette main-d'œuvre serait rentable, surtout au vu de la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. La solution? «Les entreprises doivent prendre conscience de ce potentiel inexploité», conseille-t-elle. Une analyse de son propre personnel en fonction du sexe, de l'âge et de la position peut constituer la première étape à cet effet.

Cet article est paru pour la première fois sur Blick.ch sous le titre «Darum sind Frauen über 40 auf dem Arbeitsmarkt unsichtbar» (Pourquoi les femmes de plus de 40 ans sont invisibles sur le marché du travail).