C'est l'une des phrases souvent citées de Warren Buffett: «La différence entre les personnes qui réussissent et celles qui réussissent vraiment, c'est que les personnes qui réussissent vraiment disent ‘non‘ à presque tout.»
Le grand investisseur milliardaire prêche ainsi que dire «non» est l’une des clés du succès. On devrait donc dire «non» plus souvent au travail: par exemple à des missions supplémentaires qui ne sont pas de son ressort, à une faveur pour un collègue ou à des heures supplémentaires.
Il est souvent plus facile de dire «oui». Mais dire «non» à ses supérieurs représente un défi supplémentaire. Jennifer Jordan en connaît les raisons. Elle est professeur en leadership et en comportement organisationnel à l'IMD de Lausanne: «Dire ‘non’ à un cadre peut être effrayant.»
On se demande si une réponse négative aura des conséquences sur sa carrière professionnelle. Et si le cadre continuera à vous confier des tâches en toute confiance si vous n'acceptez pas tous les défis. Cette incertitude tiendrait au déséquilibre de pouvoir entre le chef et les collaborateurs directs, qui doivent respecter un engagement.
«En l'absence de sécurité psychologique, il est possible que l'on craigne que tout signe de désaccord avec son supérieur déstabilise sa propre position», explique Jennifer Jordan. Mais cela peut aussi dépendre de la stabilité financière de l'entreprise, car en cas de menace de suppression de postes, la probabilité qu'un employé dise «non» diminue.
Différences selon les pays
Selon Jennifer Jordan, cette problématique dépend également de la culture. Au Japon, par exemple, rares sont ceux qui disent «non», car cela est considéré comme une rupture de la relation. A l'inverse, aux Pays-Bas, cette pratique est courante et acceptée.
«La capacité à dire ‘non’ dans un pays a beaucoup à voir avec l'ouverture au conflit», dit-elle. Les Anglais sont plus réticents au conflit que les Allemands, la Suisse se situe quelque part entre les deux.
«On ne peut pas être aussi franc que le seraient peut-être les Néerlandais, poursuit-elle. Mais on peut aussi dire ‘non’, tant que l'on fournit une bonne justification.»
Enraciné dans la culture d'entreprise
Sara Weber connaît bien cette question. Elle est auteure et experte en matière d'équité et de pérennité dans le monde du travail. «Les bons cadres devraient privilégier les personnes qui savent aussi dire ‘non’ avec fermeté», dit-elle.
Selon Sara Weber, il existe deux types de cadres. Les premiers favorisent le développement et l'amélioration. Ils apprécient un «non» critique de la part des collaborateurs. Les seconds souhaitent être le plus à l'aise possible. Ils partent du principe que tout le monde autour d’eux répond toujours par l’affirmative.
C'est justement cette deuxième catégorie qui peut poser problème: «Si les collaborateurs disent trop souvent ‘oui’ alors qu'ils sont surchargés, le risque de burn-out est élevé», explique Sara Weber. En cas de surcharge, les collaborateurs sont moins performants et en cas de burn-out, ils sont absents pour cause de maladie. «Ce n'est bon pour personne et cela peut coûter cher à long terme aux employeurs.»
Elle ajoute que dire «non» doit être ancré dans la culture de l'entreprise. Les chefs peuvent répondre par la négative à leurs supérieurs tout comme les collaborateurs le font avec eux: «Si cela n'arrive pas au plus haut niveau, comment cela pourrait-il arriver ailleurs?» Aucun stagiaire ne refuserait une tâche, si on ne lui montrait pas l'exemple.
Un «non» peut conduire à un «oui»
Sara Weber a un conseil pour se faciliter la tâche: «Si je dis ‘non’ à quelque chose aujourd'hui, je peux dire ‘oui’ à autre chose demain.» Cela peut être un «non» à une tâche qui n'entre pas dans le cahier des charges ou qui ne nous fait pas avancer parce qu'on l'a déjà effectuée 17 fois.
On peut en revanche accepter un sujet dans lequel on peut mieux faire valoir son expertise. «Ainsi, je ne m'énerve pas de dire ‘oui’ alors que mon agenda est déjà plein.» Par conséquent, un «non» à une tâche ouvre toujours un espace pour un autre «oui», éventuellement plus enthousiaste.
Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.