Comment restaurer la motivation des collaborateurs au travail: c’est la question centrale que se pose Fabrice Gatti, chercheur français et fondateur du cabinet de conseil, de coaching et de formation Mamkle, dans son dernier livre. Il en profite, au passage, pour démonter plusieurs idées reçues, telles que l’existence des talents et des générations.

Ayant travaillé durant dix ans dans le domaine de la formule 1, il sait ce que la performance de haut niveau – qu’il définit comme une qualité continue dans la durée – veut dire. «La motivation est un moyen, mais il existe aussi des contextes favorables ou défavorables à la dynamique interne. Il s’agit de comprendre par quels mécanismes l’humain peut se mettre en marche.»

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Pour ce faire, il nous rafraîchit un peu la mémoire. Depuis la révolution industrielle et l’émergence de tâches répétitives et peu intéressantes dans les usines, le capitalisme cherche à stimuler l’individu. Cela a mené aux pratiques tayloristes et behavioristes que nous connaissons encore de nos jours. «Pour résumer, on considère que l’homme n’est pas curieux et qu’il faut le stimuler en récompensant celui qui fait bien et en sanctionnant celui qui fait mal», dit-il. Encadrer le quotidien pour stimuler les individus s’est en quelque sorte cimenté dans l’inconscient collectif.

Ainsi, aujourd’hui encore, nous restons enfermés dans des méthodes contrôlantes, basées sur une nature prétendument négative de l’humain. «Cependant, nous disposons de nombreuses preuves scientifiques qui nous montrent que les gens ne fonctionnent pas ainsi, poursuit le chercheur. Il suffit de regarder un enfant de 3 ans: il est curieux de tout. Puis, à mesure qu’il entre dans le système scolaire, il perd cette appétence.»

Analyser la situation

Par conséquent, un point fondamental consiste à analyser le contexte pour savoir si celui-ci est favorable au développement des compétences des acteurs. C’est là qu’interviennent les intermédiaires, tels que les managers ou les professeurs, qui jouent un rôle essentiel dans la mise en mouvement des individus.

L’un des problèmes que relève Fabrice Gatti est que le néolibéralisme a changé le contrat social. Auparavant, on travaillait toute sa vie dans la même entreprise. «On n’était pas dans l’épanouissement, mais il y avait encore une sécurité de l’emploi et une certaine méritocratie», dit-il. Dans les années 1980, les choses sont devenues plus utilitaristes. On a commencé à licencier les employés pour quelques points de bourse. «On a changé les règles et on s’est dit que les individus allaient continuer à jouer le jeu. Or cela ne prend plus. Les jeunes tendent à se désengager du travail. Mais ce n’est pas en raison de leur nature: il s’agit d’une protection face à un environnement devenu plus toxique.»

Dans ce contexte, quelles réponses les entreprises peuvent-elles mettre en place? Dans un premier temps, elles doivent avoir une connaissance élaborée de ce qui se passe en leur sein. Au lieu d’utiliser des concepts généralistes (empowerment, lean, etc.), Fabrice Gatti recommande, comme un médecin analyse un patient pour faire un diagnostic, d’aller observer concrètement ce qui s’y déroule. Il s’agit de voir si l’on applique des approches directives ou responsabilisantes, comment se comportent les managers, quelle est la culture de l’entreprise, où se situent les paradoxes, etc. On verra alors si le système en place tend à favoriser l’incompétence des salariés ou leurs besoins de relations, s’il génère de la confiance ou s’il permet aux individus d’utiliser leurs facultés naturelles au quotidien.

Ajuster les pratiques organisationnelles

Une fois ce travail effectué, il faut demander aux responsables ce que ces derniers sont prêts à changer. «Une entreprise ne peut pas fonctionner sur un modèle de pensée plus complexe que ses dirigeants», souligne le chercheur, en donnant l’exemple de Renault, où il a travaillé plusieurs années et où les employés ne pouvaient pas évoluer à l’écart du mode de raisonnement logique de Carlos Ghosn. «En management, il n’existe pas de solutions standardisées», ajoute l’auteur.

Dans un second temps, il s’agit de voir, avec les responsables, comment il est possible d’ajuster les pratiques organisationnelles: où peut-on donner plus d’autonomie aux gens sur les sujets qui les concernent? Comment renforcer les compétences? Faut-il développer une culture du feed-back? Fabrice Gatti prend plusieurs exemples dans le monde du sport où, contrairement aux grandes organisations au sein desquelles les processus peuvent durer plusieurs années, on peut très rapidement voir le résultat de nouvelles pratiques.

La formation des cadres se révèle donc essentielle. Et elle ne doit pas porter sur des concepts galvaudés comme la «bienveillance» ou le «manager-coach», mais sur des comportements qui favorisent la confiance. A savoir: la flexibilité, l’exemplarité, la responsabilité, l’équité ou encore l’observation des micro--expressions des employés. «Lorsqu’on permet aux gens de prendre conscience de leurs facultés naturelles, cela génère chez eux une mise en mouvement, une envie, qui favorise le développement de compétences et donc l’épanouissement.»

Pour autant, il ne prône pas une horizontalisation totale des relations. «Les managers doivent aussi savoir décider et sanctionner. Ils doivent fixer un cadre de collaboration en précisant ce qui est acceptable ou non. Surtout, ils doivent accepter qu’ils ne peuvent pas tout contrôler et se focaliser sur la création d’un contexte favorable aux enjeux de l’entreprise et de l’individu.»

Motivation

Dans son livre «S.O.S. travail sous tension – Défis et solutions pour un monde du travail en détresse» (2024, Enrick B. Editions), Fabrice Gatti avance quelques pistes pour réinventer nos pratiques managériales.

Le livre «S.O.S. travail sous tension – Défis et solutions pour un monde du travail en détresse» de Fabrice Gatti

Le livre «S.O.S. travail sous tension – Défis et solutions pour un monde du travail en détresse» de Fabrice Gatti

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