Aujourd'hui, jusqu'à quatre générations travaillent ensemble dans les entreprises suisses. Chacune apporte sa propre force: l'ancienne génération peut s'appuyer sur des décennies d'expérience professionnelle et a déjà traversé de nombreuses crises. Les débutants, quant à eux, apportent un regard extérieur et ont une compréhension intuitive des technologies numériques.
Ces différences entre les générations peuvent être une source de mécontentement au sein de l'entreprise. Mais ce n'est pas une fatalité. En effet, un management intelligent favorise la compréhension entre jeunes et anciens. Un nouvel instrument à cet effet est le «reverse mentoring»: les anciens coachent les jeunes, les jeunes coachent les anciens.
Tandis que les collaborateurs expérimentés transmettent leurs connaissances spécialisées et leurs compétences de direction, les collègues plus jeunes apportent leur aide grâce à leur savoir-faire numérique et de nouvelles perspectives.
Le couple de mentoring le plus connu
Le couple de mentors le plus connu de Suisse se trouve sur Linkedin: Tina Müller, 56 ans, CEO de Weleda, et Yaël Meier, 24 ans, jeune entrepreneuse. Depuis mars, elles échangent régulièrement leurs points de vue.
L'ancienne directrice des parfumeries Douglas est confrontée au défi de rajeunir l'entreprise de cosmétiques naturels Weleda. Pour cela, elle veut changer de perspective et mieux comprendre comment la jeune génération pense et agit. C'est là que Yaël Meier apporte son aide: ensemble, elles ont élaboré des projets de logo, des idées de produits et la stratégie Tiktok de Weleda. «Mon rôle est de challenger leur travail», explique Yaël Meier. En effet, les entreprises ont tendance à baser leur travail sur des hypothèses erronées en ce qui concerne les jeunes.
Les plus de 14 millions de vidéos dans lesquelles la marque a été taguée montrent que Weleda s'engage fortement sur Tiktok à la recherche des jeunes. De stars comme Hailey Bieber utilisent ses produits et, lors du match de quart de finale de l'Euro de football opposant le Portugal à la France, l'entreprise a déployé toute sa communication sur les médias sociaux pour diffuser la séquence filmée dans laquelle le Français Kylian Mbappé, qui souffrait après une faute, était traité avec l'huile de massage de Weleda.
Yaël Meier profite en retour de l'expérience de Tina Müller en matière de gestion. Son objectif est de rajeunir les sociétés grâce à son agence de conseil Zeam. Pour cela, elle peut s'appuyer sur le savoir-faire de Tina Müller, qui s'y connaît en matière de transformation d'entreprise. «Je peux appeler Tina à tout moment lorsque je suis confrontée à un défi et que je ne peux pas avancer moi-même», dit-elle. Cela l'aide énormément en tant que jeune entrepreneuse.
Autres exemples chez PwC Suisse et Merck
De nombreuses entreprises encouragent déjà leurs propres tandems de mentoring. Chez PwC Suisse, le «programme AI-Buddy» s'est établi depuis quelques mois. Giulia Di Cristo, manager chez PwC, l’a initié à une époque où l'intérêt pour l'intelligence artificielle était en forte croissance. «Nos partenaires ne s'efforcent pas seulement de suivre les derniers développements technologiques, ils veulent aussi apprendre des perspectives fraîches et du savoir-faire des jeunes collaborateurs», explique-t-elle. L'approche du programme: mettre en relation les partenaires avec des collaborateurs ayant une vision profonde du monde des nouvelles technologies.
Le programme a suscité un grand intérêt en interne. Au total, 50 partenaires se sont portés candidats pour pouvoir collaborer avec un AI Buddy personnel. Plus de 100 candidatures ont été reçues pour le rôle d'AI Buddies. L'objectif était d'offrir aux partenaires une occasion d'obtenir des réponses à leurs questions et de profiter de la dynamique du reverse mentoring: «Certains partenaires voulaient comprendre plus en profondeur comment travailler efficacement avec des outils d'IA, tandis que d'autres voulaient relever des défis spécifiques avec l'aide de leurs AI Buddies.»
Pour ce faire, les AI Buddies ont besoin de connaissances approfondies et d'expérience dans l'utilisation de différents outils. La première phase du programme, au cours de laquelle les participants échangent régulièrement leurs expériences, est en plein essor.
Tandis que les partenaires en apprennent davantage sur les technologies d'intelligence artificielle grâce à leur AI Buddy, les jeunes coachés ont un aperçu de ce qui se passe au plus haut niveau de la direction.
C'est exactement ce que l'entreprise pharmaceutique Merck cherche à faire avec ses monitorings. Florian Schick, directeur de Merck Suisse, est fan du programme: «Les jeunes de 25 ans ont la chance d'être le mentor de quelqu'un du comité directeur. Cela laisse des traces des deux côtés.»
Il souligne qu'un mentoring doit se faire entre des personnes qui ne sont pas sur la même ligne de carrière, de préférence même dans des départements différents. «Plus le partenaire de mentoring est éloigné de son propre quotidien professionnel, mieux c'est.» L'attribut «sans filtre» accompagne un mentoring. L'échange doit être courageux et ouvert, de sorte qu'un véritable dialogue soit possible. «Au final, c'est la culture de l'entreprise et du management qui est en jeu. Un mentoring est basé sur le volontariat et n'a pas lieu parce que le chef le souhaite.» Il s'agit de satisfaire la curiosité des participants et de faire en sorte que les deux parties profitent l'une de l'autre.
Les jeunes se sentent se sentent valorisés
Jordan Cajot, directeur commercial du cabinet de recrutement Robert Walters, confirme lui aussi que le reverse mentoring suscite de l'intérêt dans les entreprises. Il en parle en superlatifs: non seulement le mentoring favorise l'échange entre les générations, mais il renforce aussi la pérennité des entreprises et incite les jeunes à s'investir encore plus dans l'entreprise. «Lorsque l'on donne aux jeunes collaborateurs la possibilité de transmettre leurs connaissances, ils se sentent valorisés et écoutés au sein de l'entreprise, dit-il. Cette reconnaissance est décisive pour leur engagement et leur motivation.»
Si l'on souhaite mettre en place un mentorat interne à l'entreprise, il est préférable de ne pas le faire en tant que chef. La plupart du temps, la mise en place incombe au service RH ou, comme dans le cas de PwC, à des collaborateurs motivés. Cela garantit l'indépendance d'un tel programme.
Le chemin vers un reverse mentoring réussi ressemble à un voyage de découvertes: les entreprises doivent trouver quels formats motivent leurs collaborateurs, quels tandems s'harmonisent et comment les différents besoins peuvent être intégrés de manière optimale dans la culture d'entreprise.
L'expérience le montre: lorsque le programme est mis en œuvre sans pression hiérarchique et avec un réel intérêt pour l'échange mutuel, un dialogue précieux s'instaure entre les générations. Au lieu de préjugés et de guerres de tranchées, une collaboration dynamique se développe, dans laquelle tous les participants profitent les uns des autres - et l'entreprise par la même occasion.
Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.